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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Irlandais. Pour sa part, Fergus accepta l’offre et jura que, loin
de ne plus rien entreprendre contre les Ulates, il les défendrait dorénavant
contre tous leurs ennemis, conformément à son attitude antérieure, et
soutiendrait Conor de ses conseils. Quant à Éochaid, il promit, pour
compensation des dommages causés par ses troupes, de donner à Conor deux
baronnies près de Brug-na-Boyne, sa propre fille en mariage et l’office de
nourricier du roi de Tara. Ainsi fut proclamée la paix entre Conor, fils de
Ness, et le roi suprême d’Irlande, et scellée sa réconciliation avec celui qu’il
avait évincé du trône, Fergus, fils de Roeg, l’invincible guerrier [54] .
    Et les Ulates firent si grand honneur à Conor d’avoir réussi
à ramener la paix entre eux et les Irlandais qu’ils le considérèrent à jamais
comme supérieur à tous les rois des provinces d’Irlande, bien qu’il n’eût pas
le titre de roi suprême. Tant et si bien que tout homme d’Ulster menait dormir
sa fille nubile, la veille du mariage, avec lui pour qu’il fût son premier
époux [55] .
Car Conor, fils de Ness, était sans conteste un héros hors pair.
    Il n’y eut pas sur terre de naissance plus valeureuse que la
sienne, et jamais il ne prononça de jugement faux et, par là même, de
malédiction sur les terres de ses vassaux, dont eussent pâti leurs moissons. Il
n’était pas de champion plus puissant que lui mais, eu égard à sa fonction
royale, on ne l’exposait jamais au danger, durant les batailles. Les champions,
les guerriers et les héros les plus ardents se tenaient devant lui, lorsqu’on
se battait, pour éviter qu’il ne risquât sa vie inutilement [56] .
Et chaque homme du peuple ulate était tenu de lui offrir l’hospitalité au moins
une nuit dans sa maison, nuit durant laquelle le roi dormait avec la femme de
son hôte.
    Trois cent soixante-cinq personnes peuplaient la maison
royale de Conor, soit autant que de jours dans l’année. Mais elles n’étaient
pas toujours de service, car elles se relayaient chaque nuit pour distribuer la
nourriture et la boisson. Ainsi la première à servir se retrouvait-elle à son
poste au bout d’une année. Cependant, la nourriture n’était rien moins que
parcimonieuse, puisque chaque homme recevait pour sa part un cochon, un bœuf et
une cuve de bière. Il n’en est pas moins vrai que d’aucuns, tel l’insatiable
Fergus, fils de Roeg, on l’a vu, requéraient des portions plus considérables.
    Enfin, le roi Conor assurait en personne le service, chaque
année, lors de la fête de Samain [57] ,
qui amenait une foule énorme à Émain Macha. En effet, tout homme des Ulates qui
se serait abstenu d’y paraître cette nuit-là aurait aussitôt perdu la raison et
l’on aurait dressé sa tombe et son tertre de pierre le lendemain matin. Aussi
fallait-il une quantité prodigieuse de provisions dans la maison du roi, chez
qui avait lieu le festin, lequel, commencé trois jours avant Samain ,
ne s’achevait que trois jours après.
    Cela dit, la forteresse royale d’Émain Macha comportait
trois maisons nommées la Branche Rouge, la Maison Bariolée et la Branche
Sanglante. Dans la Branche Sanglante étaient conservées les armes et les
dépouilles des ennemis. Dans la Branche Rouge se réunissaient les rois et les
champions, et on l’appelait ainsi parce qu’elle était rouge de héros. Enfin, la
Maison Bariolée, où se trouvaient les armes de guerre, devait son appellation à
l’aspect multicolore que lui donnaient les gardes d’épées en or, l’éclat bleu
des fers de lances, la splendeur des colliers aux entrelacs d’or et d’argent, le
miroitement des écailles et des cercles d’or et d’argent des boucliers, ainsi que
celui des coupes, des cornes à boire et des gobelets rutilants.
    Il existait un motif sérieux pour que les armes et les
ornements des guerriers d’Ulster fussent conservés dans la Maison Bariolée :
c’est que, pour peu qu’ils entendissent un mot rude, pour peu qu’une parole les
heurtât, tous bondissaient sur leurs pieds, prêts à se jeter les uns contre les
autres pour venger sur-le-champ l’offense présumée et faire retentir les airs
du fracas de leurs cris, de leur rage et du choc de leurs boucliers. Aussi les
désarmait-on lorsqu’ils venaient à l’assemblée.
    On trouvait donc beaucoup de dignité, de plaisir, de gloire
et de solennité dans la forteresse de Conor à Émain Macha. De tous les
champions et

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