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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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faire une vie assez
ambulante. Ces voyages me mirent à portée de faire quelques bonnes
connaissances, qui m'ont été dans la suite agréables ou utiles;
entre autres à Lyon celle de M. Perrichon, que je me reproche de
n'avoir pas assez cultivée, vu les bontés qu'il a eues pour moi;
celle du bon Parisot, dont je parlerai dans son temps; à Grenoble,
celle de madame Deybens et de madame la présidente de Bardonanche,
femme de beaucoup d'esprit, et qui m'eût pris en amitié si j'avais
été à portée de la voir plus souvent; à Genève, celle de M. de la
Closure, résident de France, qui me parlait souvent de ma mère,
dont malgré la mort et le temps son cœur n'avait pu se déprendre;
celle des deux Barillot, dont le père, qui m'appelait son
petit-fils, était d'une société très aimable, et l'un des plus
dignes hommes que j'aie jamais connus. Durant les troubles de la
République, ces deux citoyens se jetèrent dans les deux partis
contraires, le fils, dans celui de la bourgeoisie; le père, dans
celui des magistrats: et lorsqu'on prit les armes en 1737, je vis,
étant à Genève, le père et le fils sortir armés de la même maison,
l'un pour monter à l'hôtel de ville, l'autre pour se rendre à son
quartier, sûrs de se trouver deux heures après l'un vis-à-vis de
l'autre exposés à s'entr'égorger. Ce spectacle affreux me fit une
impression si vive, que je jurai de ne tremper jamais dans aucune
guerre civile, et de ne soutenir jamais au dedans la liberté par
les armes, ni de ma personne ni de mon aveu, si jamais je rentrais
dans mes droits de citoyen. Je me rends le témoignage d'avoir tenu
ce serment dans une occasion délicate; et l'on trouvera, du moins
je le pense, que cette modération fut de quelque prix.
    Mais je n'en étais pas encore à cette première fermentation de
patriotisme que Genève en armes excita dans mon cœur. On jugera
combien j'en étais loin par un fait très grave à ma charge, que
j'ai oublié de mettre à sa place, et qui ne doit pas être omis.
    Mon oncle Bernard était, depuis quelques années, passé dans la
Caroline pour y faire bâtir la ville de Charlestown, dont il avait
donné le plan: il y mourut peu après. Mon pauvre cousin était aussi
mort au service du roi de Prusse, et ma tante perdit ainsi son fils
et son mari presque en même temps. Ces pertes réchauffèrent un peu
son amitié pour le plus proche parent qui lui restât, et qui était
moi. Quand j'allais à Genève je logeais chez elle, et je m'amusais
à fureter et feuilleter les livres et papiers que mon oncle avait
laissés. J'y trouvai beaucoup de pièces curieuses, et des lettres
dont assurément on ne se douterait pas. Ma tante, qui faisait peu
de cas de ces paperasses, m'eût laissé tout emporter si j'avais
voulu. Je me contentai de deux ou trois livres commentés de la main
de mon grand-père Bernard le ministre, et entre autres les Oeuvres
posthumes de Rohault, in-4°, dont les marges étaient pleines
d'excellentes scolies qui me firent aimer les mathématiques. Ce
livre est resté parmi ceux de madame de Warens; j'ai toujours été
fâché de ne l'avoir pas gardé. A ces livres je joignis cinq ou six
mémoires manuscrits, et un seul imprimé, qui était du fameux
Micheli Ducret, homme d'un grand talent, savant, éclairé, mais trop
remuant, traité bien cruellement par les magistrats de Genève, et
mort dernièrement dans la forteresse d'Arberg, où il était enfermé
depuis longues années, pour avoir, disait-on, trempé dans la
conspiration de Berne.
    Ce mémoire était une critique assez judicieuse de ce grand et
ridicule plan de fortification qu'on a exécuté en partie à Genève,
à la grande risée des gens du métier, qui ne savent pas le but
secret qu'avait le conseil dans l'exécution de cette magnifique
entreprise. M. Micheli, ayant été exclu de la chambre des
fortifications pour avoir blâmé ce plan, avait cru, comme membre
des deux-cents et même comme citoyen, pouvoir en dire son avis plus
au long; et c'était ce qu'il avait fait par ce mémoire, qu'il eut
l'imprudence de faire imprimer, mais non pas publier, car il n'en
fit tirer que le nombre d'exemplaires qu'il envoyait aux
deux-cents, et qui furent tous interceptés à la poste par ordre du
petit conseil. Je trouvai ce mémoire parmi les papiers de mon
oncle, avec la réponse qu'il avait été chargé d'y faire, et
j'emportai l'un et l'autre. J'avais fait ce voyage peu après ma
sortie du cadastre, et j'étais demeuré en

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