Les conquérants de l'île verte
d’atteindre tout ce qui
passait à portée, leurs bras levés et leurs mains brandissant leurs épées qui
lançaient des éclairs.
Il y avait aussi là trois femmes, les trois magiciennes des
tribus de Dana, Bobdh, Macha et Morrigane, la fille d’Ernmas [47] .
Au milieu du tumulte, elles lançaient des incantations pour aider les leurs et
des imprécations pour affaiblir les autres. Les épées frappaient les bordures
des boucliers ronds, et les lames brûlantes étaient refroidies par les flaques
de sang sous les pieds des hommes. Bress, fils d’Élatha, vint au combat contre
les Fir Bolg. Cent cinquante guerriers furent tués par lui, et il assena neuf
coups sur le bouclier du roi Éochaid tandis que celui-ci lui infligeait neuf
blessures. Sreng, fils de Sengann, vint au combat contre les tribus de Dana.
Cent cinquante guerriers furent tués par lui, et il assena neuf coups sur le
bouclier du roi Nuada qui, de son côté, lui infligea neuf blessures.
Cependant, les hommes des tribus de Dana repoussaient devant
eux les Hommes-Foudre. Une multitude de cadavres jonchait la plaine. Les
troupes tremblaient comme l’eau d’un chaudron qui déborde de tous côtés, ou
comme une rivière dont les eaux se gonflent lorsqu’une armée la repousse pour
frayer un passage à ses guerriers. Et, comme les rois voulaient combattre
eux-mêmes, on leur laissa une large place. Les guerriers s’écartèrent et les
serviteurs s’enfuirent tant ce spectacle leur inspirait d’horreur. La terre fut
piétinée sous les pieds des héros jusqu’à ce que les mottes de tourbe eussent
durci sous leur ardeur. Sreng affrontait Nuada, et ils se firent trente
blessures l’un à l’autre. Mais Sreng porta un coup d’épée si terrible au roi
des tribus de Dana qu’entamant le bord de son bouclier, il lui trancha jusqu’à
l’épaule le bras droit. Alors, Nuada lança un appel de détresse.
En l’entendant, Dagda se dirigea vers lui et entreprit de le
protéger des ennemis qui l’entouraient. Puis il tint conseil avec ses
compagnons, et l’on fit appeler cinquante héros pour garder le roi, et parmi
eux se trouvait le médecin Diancecht. On emmena Nuada en dehors du champ de
bataille, et l’on recueillit son bras pour le placer dans un cercle de pierres.
Et le sang de Nuada coula sur les pierres.
Cependant, malgré le départ de Nuada, le combat se
poursuivait avec rage. Bress, le fils d’Élatha, voulait venger son roi. Il se
précipita vers l’endroit où Éochaid dirigeait la bataille, exhortant ses héros,
fortifiant ses champions. Bress l’attaqua furieusement. Tous deux, bouclier
contre bouclier, se blessèrent l’un l’autre à tous les endroits découverts,
tandis que le reste des combattants était plongé dans la confusion, par suite
de la violence de leur colère et du poids de leurs coups.
Mais comme les champions de Dana venaient à la rescousse,
avec à leur tête Dagda, Ogma, Bobdh Derg, fils de Dagda, Cian, fils de
Diancecht, ainsi que Goibniu le forgeron, les Fir Bolg durent abandonner le
terrain. Lorsqu’ils furent arrivés sur une hauteur qui dominait la plaine de
Tured, Éochaid, fils d’Erc, le roi suprême des Fir Bolg d’Irlande, fut pris
d’une extrême faiblesse. Il pria Sreng, fils de Sengann, de venir lui parler.
« Poursuis le combat, fais en sorte que tous nos guerriers se conduisent
avec valeur et courage, et ce jusqu’à ce que je puisse trouver de quoi boire et
de quoi me laver le visage, dit Éochaid, car, pour moi, je ne peux plus
supporter la soif qui me dévore. – Nous sommes bien peu nombreux, maintenant,
répondit Sreng, mais je t’assure que le combat, quoi qu’il arrive, sera
poursuivi. »
Sreng rassembla une centaine d’hommes et se prépara à
affronter les gens des tribus de Dana. Mais, lorsque les druides de celles-ci
s’aperçurent que le roi d’Irlande souffrait d’une soif ardente, ils jetèrent un
charme destiné à cacher devant lui les rivières et les ruisseaux d’Irlande. Et
il eut beau parcourir tout le pays à la recherche d’une fontaine où étancher sa
soif, il ne trouva rien. Or, tandis que les guerriers des tribus de Dana le
poursuivaient, il parvint sur le rivage, en un lieu qu’on nomme aujourd’hui la
Grève d’Éochaid. Trois guerriers l’attaquèrent. Il se défendit énergiquement,
malgré la soif qui le tourmentait, et les tua tous trois, mais il tomba
lui-même enfin, tant les blessures qu’il avait reçues, tant les
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