Les conquérants de l'île verte
de Dana durent, vaincus, se
replier vers leur camp. Au lieu de les poursuivre à travers le champ de
bataille, les Fir Bolg s’en revinrent tout joyeux au leur, et chacun apporta,
en présence d’Éochaid, fils d’Erc, roi suprême de toute l’Irlande, une pierre
de la plaine et la tête coupée d’un ennemi. Et ils en firent un grand
monticule.
Quant aux hommes des tribus de Dana, ils dressèrent des
piliers en l’honneur de leurs gens tués au combat. Leur médecin, qui avait nom
Diancecht, fit ce qu’il fallait pour guérir les blessés. De leur côté, les
médecins des Fir Bolg apportèrent des herbes de guérison, les écrasèrent et les
dispersèrent si bien dans les eaux d’une fontaine que ces eaux devinrent vertes
et épaisses. Et tout homme blessé que l’on plongeait dans la fontaine
recouvrait immédiatement la santé et se relevait, prêt à combattre derechef.
Le lendemain matin, Éochaid, fils d’Erc, roi suprême des Fir
Bolg, alla se laver à cette fontaine. Or, comme il s’y trouvait seul, occupé à
ses ablutions, il aperçut au-dessus de lui trois hommes beaux mais terrifiants
qui, à l’abri de leurs boucliers, le menaçaient. « Laissez-moi au moins le
temps d’aller chercher mes armes, leur dit le roi Éochaid, car il serait
injuste que vous combattiez un homme seul et désarmé. »
Mais les trois hommes refusèrent de lui accorder un délai et
prétendirent l’affronter sur-le-champ, sans le laisser même prendre ses armes.
Là-dessus survint un homme grand et fort, d’allure redoutable. C’était Sreng,
fils de Sengann, qui s’interposa. « Il ne sera pas dit, s’écria-t-il, que
mon roi désarmé puisse être assailli de la sorte par trois jeunes présomptueux.
C’est moi que vous devrez combattre et non lui ! »
Ils s’élancèrent alors tous trois contre lui et succombèrent
simultanément aux coups furieux qu’il leur porta. Les Hommes-Foudre arrivèrent
à la fin du combat. Ils virent les trois hommes couchés contre terre, et le roi
leur conta comment Sreng avait livré ce combat à sa place. Alors, ils
apportèrent chacun une pierre qu’ils déposèrent sur les trois corps de façon à
former un tertre que, depuis lors, on connaît sous le nom de Tertre du
Champion. Après quoi, le roi Éochaid les suivit, et les combats reprirent
contre les hommes des tribus de Dana.
Or, si denses étaient les troupes réunies là que, de
partout, surgissaient des couleurs aussi étincelantes que celles du soleil à
l’aube ou au couchant. Les champions des deux camps étaient recouverts de feu.
Leur aspect était terrifiant, indescriptible, tant leurs épées ébranlaient les
airs en tous sens, tant les lances acérées plongeaient dans les poitrines de
l’adversaire, y puisant des fleuves de sang qui s’écoulaient sur l’herbe verte
de la plaine. En rangs serrés, les hommes des tribus de Dana se lancèrent dans
une attaque impétueuse et furieuse, brandissant leurs armes empoisonnées contre
les Fir Bolg. Ils formèrent une ligne de bataille lourde et sanglante, à l’abri
de leurs boucliers solides qui, bordés de rouge et peints des couleurs les plus
variées, résistaient à tous les coups. Ce sont les guerriers les plus jeunes
qui combattirent de la sorte, car on plaça les plus âgés sur les flancs des
troupes afin d’aider et conseiller ceux qui se battaient avec tant de
vaillance. Les poètes, les devins et les sages se placèrent contre les piliers
qu’ils avaient érigés, et ils mirent en usage toute leur magie pour tenter de
tromper leurs ennemis à force de charmes et d’incantations. Les furies, les
monstres et les sorciers crièrent avec tant de force qu’on entendait leurs voix
retentir parmi les rochers et les cascades des torrents, et jusque dans les
cavernes les plus profondes de la terre. Et la terre tremblait elle-même
d’entendre les cris horribles que l’on poussait, ce jour-là, par toute la
plaine de Mag-Tured.
Éochaid, fils d’Erc, le roi suprême des Fir Bolg et de toute
l’Irlande, se trouvait au cœur même de la bataille, ainsi que Nuada, le roi de
toutes les tribus de Dana. Chacun distribuait des coups d’une violence extrême
tout autour de lui, des coups qui meurtrissaient les corps, brisaient les
boucliers, les lances et fracassaient les têtes, tels des bûcherons qui
abattent à la cognée des arbres dans la forêt. Les héros se balançaient d’un
côté, de l’autre et, malgré la mêlée, s’efforçaient
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