Les conquérants de l'île verte
comme pour les autres, quel que soit l’art de ceux qui se
chargeraient de nous éloigner du combat ou de nous égarer par la puissance de
leur magie. »
Ils s’observèrent encore un moment, puis Bress dit :
« Éloigne le bouclier de devant ton corps et ton visage afin que je puisse
rapporter une description de ton aspect aux tribus de Dana. – Je le ferai,
répondit Sreng. Je me cachais le corps et le visage par défiance des lances
acérées dressées entre toi et moi. »
Sreng écarta son bouclier et le jeta sur le sol ; Bress
fit de même, et ils se dévisagèrent longuement. « Montre-moi tes armes,
demanda Bress. – Je le ferai volontiers, répondit Sreng. » Il jeta ses
lances sur le sol et Bress jeta les siennes. « En vérité ! s’écria
Bress, voici des armes à larges pointes, lourdes et fortes, puissantes et
tranchantes ! Malheur à celui qu’elles blesseront, car il n’y saurait
survivre ! Comment les appelles-tu ? – Ce n’est pas difficile,
répondit Sreng, ce sont des lances de bataille. Avec elles, il n’est adversaire
que nous redoutions. Elles garantissent blessure sanglante, écrasement des os,
boucliers émiettés. Avec elles, nous sommes sûrs de vaincre. – Je le crois
volontiers, dit Bress. Mais mes propres armes ne sont pas moins efficaces, tu
le vois bien. Avec elles, je peux répandre la mort et la destruction sur tous
ceux qu’il me plairait d’atteindre. Leur sang sera empoisonné, et ils
disparaîtront de la surface de la terre. »
Ils se turent un bon moment et continuèrent à s’observer
l’un l’autre. « Puisqu’il en est ainsi, reprit Bress, et pour éviter qu’il
n’y ait désir de meurtre entre des parents, mieux vaudrait conclure alliance et
amitié. – Volontiers », répondit Sreng. Bress, fils d’Élatha, des tribus
de Dana, et Sreng, fils de Sengann, de la tribu des Fir Bolg, se jurèrent
alliance et amitié.
« Où étais-tu la nuit dernière ? demanda Bress. –
J’étais dans la forteresse royale de Tara, répondit Sreng. C’est là que sont
les nobles et les guerriers des Fir Bolg, autour du roi suprême d’Irlande, Éochaid,
fils d’Erc. Mais toi-même, d’où viens-tu ? – Je viens de la montagne,
là-bas, dit Bress, là où sont les tribus de Dana et leur roi suprême, Nuada,
fils d’Echtach. Les tribus de Dana sont venues des îles du nord du monde dans
un nuage de brouillard et sont arrivées en Irlande à la faveur d’une tempête
qu’avaient déclenchée leurs druides. Elles sont venues dans cette île pour y
habiter, et voilà pourquoi il serait juste, de la part des Fir Bolg, de leur en
céder la moitié. Ainsi pourrions-nous vivre en paix. – Je dois retourner à
Tara, répondit Sreng, et répéter tes paroles au roi suprême d’Irlande. La route
est longue d’ici à Tara, et il me faut partir. – Va, dit Bress, mais,
auparavant, prends une des lances que j’ai apportées avec moi. Les Fir Bolg
sauront ainsi de quelles armes disposent les tribus de Dana. »
Sreng prit l’arme que lui tendait Bress et, à son tour, lui
donna l’une de celles qu’il avait apportées. « Dis bien aux Fir Bolg,
reprit Bress, qu’ils ne vaincront pas mon peuple sans livrer bataille ou sans
lui donner la moitié de l’Irlande. – Je le ferai sans faute », répondit
Sreng.
Ils se séparèrent alors, non sans s’être à nouveau promis
amitié entre eux, et reprirent chacun sa route. Quand il fut parvenu à Tara, on
demanda à Sreng des nouvelles des gens avec qui il était allé s’entretenir.
« Ce sont de grands guerriers, répondit Sreng. Ils sont
virils et adroits, leurs héros sont cruels et experts dans les jeux du combat.
Leurs boucliers sont larges et solides, leurs lances ont des pointes acérées et
des fûts en bois très solide. Quant aux lames de leurs épées, elles sont
flamboyantes et menaçantes. Il nous serait difficile de les affronter… Mieux
vaudrait conclure la paix avec les tribus de Dana en leur donnant la moitié de
l’Irlande. »
Les Hommes-Foudre se réunirent autour du roi Éochaid et
discutèrent longtemps sur le rapport de Sreng. « Nous ne donnerons pas la
moitié de l’Irlande aux étrangers, dirent-ils enfin, car, le ferions-nous,
qu’ils prendraient bientôt toute l’île et nous réduiraient en esclavage, nous,
nos enfants et tous nos descendants. »
Pour sa part, Bress rejoignit le camp des tribus de Dana. On
lui demanda comment était l’homme qui était venu lui
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