Les conquérants de l'île verte
se levèrent et allèrent se
promener sur les bords du lac et, soudain, ils virent un homme s’approcher à travers
la brume : drapé d’un manteau de pourpre à cinq plis, il tenait à la main
deux javelots à cinq pointes, et sur l’épaule un bouclier à bosse d’or ;
une épée à poignée d’or était suspendue à sa ceinture, et sa chevelure dorée
flottait harmonieusement sur ses épaules.
« Voyez-vous l’homme qui vient vers nous ? dit
Loégairé, fils de Crimthann, l’un des plus beaux et des plus nobles des
guerriers de Connaught. M’est avis qu’il serait bon de le saluer et de
l’accueillir, car il a fière allure et ne manifeste envers nous aucune
intention hostile. »
Quand le guerrier inconnu fut parvenu auprès des gens de
Connaught, ceux-ci le saluèrent et lui souhaitèrent la bienvenue. « Je
vous remercie, répondit l’inconnu. – Qu’est-ce qui t’amène jusqu’ici ? lui
demanda Loégairé. – L’espoir d’obtenir votre secours. – Comment cela ?
D’où es-tu et qui es-tu ? – Je suis des tribus de Dana, répondit-il, et
mon nom est Fiachna, fils de Rété. Je suis un chef respecté parmi les miens. –
Tu nous réclames du secours, reprit Loégairé, et nous te l’accorderons bien
volontiers si tu nous dis de quoi il s’agit. – Voici ce qui m’amène vers
vous : ma femme m’a été enlevée par Éochaid, fils de Sâl, qui l’a conduite
dans sa forteresse. Mais je suis allé le combattre, et Éochaid est mort sous
mes coups sur le champ de bataille. Cependant, ma femme s’est réfugiée chez un
fils de son frère, Goll, fils de Golb, dont la forteresse se trouve au centre
de la Plaine Agréable, et celui-ci ne veut pas me la rendre. Je lui ai livré
sept batailles, mais elles ont toutes mal tourné pour moi, et je n’ai pas
réussi à reprendre ma femme. Aujourd’hui, nous livrerons une autre bataille
contre Goll, mais je sais que nous avons peu de chances de la gagner si l’on ne
nous prête assistance. C’est donc pour demander votre aide, hommes de
Connaught, que je suis venu parmi vous. Je donnerai une hampe d’argent à chacun
de ceux qui voudront bien se joindre à moi et combattre avec les miens. »
Sur ces paroles, il pivota sur ses talons et repartit dans
la brume. Les hommes de Connaught le virent franchir les limites de la terre
ferme et s’enfoncer lentement dans les eaux du lac qui se refermèrent sur lui.
« Ce serait une honte pour nous, s’écria Loégairé, que
de laisser cet homme-là sans secours ! »
Cinquante guerriers se rassemblèrent autour de lui, disant
qu’ils étaient prêts à le suivre, et ils se dirigèrent tous vers l’endroit où
ils avaient vu disparaître Fiachna et, sans hésiter, descendirent dans l’eau
jusqu’au fond du lac. Ils aperçurent alors en face d’eux une forteresse, et,
sur la prairie, deux armées qui s’affrontaient. Se précipitant de ce côté, ils
rejoignirent Fiachna, fils de Rété, qui se trouvait au premier rang des siens.
« Voilà qui est bien, dit Loégairé. Je demande donc à
combattre le chef des cinquante guerriers qui se trouvent vis-à-vis de nous. –
Me voici, dit Goll, fils de Golb. Puisque tu me provoques de la sorte, je
lutterai contre toi. »
Et, là-dessus, ils se jetèrent les uns sur les autres.
Loégairé sortit du combat sain et sauf, ainsi que les cinquante hommes qui
l’avaient accompagné. Mais ils laissaient morts sur le terrain Goll et ses
cinquante guerriers. Après quoi, ils poussèrent plus avant et ravagèrent tout
sur leur passage. « Où se trouve la femme ? demanda Loégairé à
Fiachna. – Dans la forteresse, au milieu de la Plaine Agréable, répondit
Fiachna, mais une puissante armée veille tout autour. – Reste donc ici, dit
Loégairé, pendant que je m’y rendrai avec mes cinquante hommes. »
Ils allèrent donc jusqu’à la forteresse de la Plaine
Agréable et virent la puissante armée qui la protégeait. Ils s’élancèrent
néanmoins contre elle et, se battant avec fureur, se frayèrent un passage vers
la porte. Une fois arrivé au but, Loégairé cria : « Vous n’avez pas
de grand profit à attendre ! Vos chefs sont déjà tombés, et Goll, fils de
Golb, est mort. Nous poursuivrons, quant à nous, notre attaque, et vous périrez
tous sous nos coups. Faites donc sortir la femme qui est l’objet du litige et,
en échange, nous cesserons le combat et vous épargnerons. »
Ceux qui étaient dans la forteresse
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