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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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demandèrent un délai
pour répondre, et Loégairé le leur accorda. Ils se retirèrent pour discuter et,
peu après, la femme sortit de la forteresse. Elle chanta un chant de
lamentation, en voyant que tant de guerriers étaient tombés à cause d’elle.
Loégairé la prit par la main et la conduisit jusqu’à Fiachna ; et
celui-ci, tout heureux du succès de l’expédition, invita Loégairé et ses
cinquante hommes à un festin dans sa résidence. « Je ne sais comment te
manifester ma reconnaissance, dit Fiachna à Loégairé, mais je vais te faire une
proposition : reste avec moi dans ce pays et gouvernons-le ensemble, toi
et moi. J’ai une fille qui se nomme Der Greine et, si elle t’agrée, tu
l’épouseras. »
    On fit venir la fille, dont Loégairé admira la grande beauté
et la noble allure. Fiachna mit donc la main de Der Greine dans celle de
Loégairé et tous deux passèrent la nuit ensemble. Quant aux cinquante guerriers
qui avaient accompagné Loégairé, ils eurent chacun une femme, choisie parmi les
nobles jeunes filles du pays. Et tous demeurèrent là pendant une année entière.
    « Nous voudrions avoir des nouvelles de notre pays, dit
alors Loégairé à Fiachna. Permets-nous de partir. – Si tel est votre désir à
tous, je ne le contrarierai pas, répondit Fiachna. Mais il faut que je te donne
un avertissement : prenez des chevaux pour vous rendre dans votre pays,
mais lorsque vous y serez, à aucun prix ne mettez pied à terre. »
    Ils allèrent aux écuries de Fiachna, y choisirent des
chevaux robustes et agiles, et ils quittèrent la forteresse, traversèrent des
bois et des plaines et se retrouvèrent bientôt sur les rives du Lac des
Oiseaux. Or, ce jour-là, précisément, les hommes de Connaught s’étaient
rassemblés pour leur festin, et Crimthann, père de Loégairé, se trouvait parmi
eux. Mais tous se lamentaient d’être sans nouvelles des hommes partis l’année
précédente.
    Aussi, en apercevant Loégairé et ses cinquante guerriers qui
se dirigeaient vers eux, surgissant des profondeurs du lac, furent-ils tout
joyeux, et ils allèrent à leur rencontre pour leur souhaiter la bienvenue.
« N’approchez pas ! leur cria Loégairé. C’est pour vous dire adieu
que nous sommes venus vous retrouver ici. » Ils échangèrent mutuellement
des nouvelles. « Ne nous quitte pas, dit Crimthann, car tu peux avoir tout
ce que tu veux dans le royaume de Connaught, de l’or, de l’argent, de beaux
troupeaux, des chevaux rapides et les plus nobles femmes de toute cette
île. »
    Mais ni Loégairé ni aucun de ses cinquante compagnons ne
voulut demeurer dans le royaume de Connaught. Après avoir dit adieu à leurs
parents et à leurs amis, ils retournèrent dans les eaux du lac. Et, en peu de
temps, ils gagnèrent la forteresse où Loégairé partageait la souveraineté avec
Fiachna. [94]
    Cette souveraineté, cependant, ne s’étendait que sur les
tribus de Dana qui résidaient dans le Connaught, car Ailill et Maeve étaient
pour leur part roi et reine des Fils de Milé. Selon les conventions faites
après la bataille de Tailtiu, ceux-ci occupaient en effet la surface de
l’Irlande, et celles-là s’étaient établies dans les tertres, sous les collines
et sous les eaux des lacs, leurs gens n’étant visibles aux Fils de Milé qu’à
leur guise, puisqu’ils possédaient le don d’invisibilité. Cela dit, les deux
peuples entretenaient de bons rapports et se respectaient mutuellement.
    Or, à cette époque où il partageait avec Loégairé la
souveraineté sur les tribus de Dana résidant dans le Connaught, Fiachna avait
un habile porcher du nom de Rucht. Et ce Rucht s’était lié d’amitié avec le
porcher des tribus de Dana qui résidaient dans le Munster, lequel, nommé
Friuch, l’égalait du reste en habileté et renom. Aussi, chaque fois qu’on
manquait de glands en Munster, Rucht invitait-il Friuch à mener son troupeau de
porcs en Connaught et, quand on manquait de glands en Connaught, à son tour
Friuch invitait Rucht à la glandée en Munster.
    Mais les deux hommes avaient également coutume de se
rencontrer de temps à autre pour se livrer à des tours d’adresse et des jeux
magiques. C’était entre eux à qui manifesterait le plus de dextérité, et les
tribus de Dana arbitraient pour décerner la palme. Mais comme il n’y avait ni
vainqueur ni vaincu dans ces joutes pacifiques, les deux concurrents étant
d’égale valeur, les gens de Dana

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