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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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s’en impatientèrent et finirent par leur imposer
des épreuves susceptibles de prouver la supériorité de l’un sur l’autre.
« Puisque vous êtes si forts, leur dit-on un jour, faites donc en sorte
que vos cochons restent en vie pendant un an sans prendre de nourriture. Nous
verrons bien lequel des deux troupeaux sera le mieux portant… »
    Rucht et Friuch lancèrent leurs incantations sur les cochons
dont ils avaient la garde mais, au bout d’un an, les deux troupeaux avaient non
seulement fort pâti du manque de nourriture mais les cochons de Munster étaient
aussi maigres que ceux de Connaught. « Puisqu’il en est ainsi, leur
dit-on, mieux vaut assurément que vous cessiez de vous occuper de ces
troupeaux ! » Et on leur retira, à l’un comme à l’autre, leur charge
de porcher.
    Rucht et Friuch en furent d’autant plus mortifiés qu’ils
n’avaient pas pour autant résolu leur problème : celui de savoir qui était
le plus habile. Ils décidèrent alors de changer de forme pendant un an et de
rivaliser pendant ce temps pour savoir lequel se tirerait le mieux d’affaire.
Et, d’un commun accord, ils adoptèrent la forme de corbeaux.
    Tout au long de l’année, ils survolèrent l’Irlande, se
disputant les proies qui s’offraient à eux. Mais ils eurent beau se combattre
sauvagement, aucun n’en acquit un quelconque avantage. Au premier jour de
l’année suivante, ils apparurent à l’assemblée du Munster et reprirent leur
forme humaine en se posant au sol.
    On leur souhaita la bienvenue et on leur demanda ce qu’ils
avaient fait pendant l’année sous leur aspect d’oiseaux. « En vérité,
répondirent-ils, vous n’avez aucune raison de vous réjouir et de nous souhaiter
la bienvenue. Vous nous avez obligés à prouver que l’un de nous était plus
habile que l’autre, mais rien de bon n’adviendra de tout cela. Nous vous
avertissons : par la faute de l’épreuve que vous nous avez imposée, il y
aura beaucoup de guerriers morts et de grandes lamentations dans toute
l’Irlande. »
    On les pressa de s’expliquer au sujet de la guerre à
laquelle ils faisaient allusion, mais ils répondirent : « Il ne nous
est pas permis de le dire. Sachez seulement qu’elle concernera tous les peuples
de cette île, qu’ils soient des tribus de Dana ou Fils de Milé. Nul ne pourra
se soustraire aux peines et aux souffrances, et le sang des hommes coulera dans
les rivières et les lacs. Maintenant, pour satisfaire à votre exigence et afin
de savoir lequel d’entre nous est le plus habile, nous allons encore une fois
changer d’aspect pendant une année entière. »
    Et, là-dessus, quittant l’assemblée, ils allèrent chacun de
son côté. L’un se rendit vers le Shannon, s’y plongea et se changea en un
poisson énorme. L’autre partit vers le Suir [95] , s’y plongea et, à son
tour, devint un énorme poisson. Puis tous deux, à travers les rivières, les
lacs et la mer, s’en furent à la rencontre l’un de l’autre. Une moitié de
l’année ils furent dans le Shannon, la seconde dans le Suir, mais quelque rage
qu’ils missent à s’affronter, aucun ne l’emportait, et ils passaient leur temps
à s’entre-poursuivre sans en être affaiblis pour autant.
    Un jour que les hommes de Connaught tenaient une assemblée
sur les bords du Lac des Oiseaux, ils furent témoins d’un spectacle
extraordinaire : dans les eaux, deux énormes poissons se frappaient l’un
l’autre avec tant de violence que des étincelles jaillissaient de leurs écailles
comme des épées dans un combat furieux. Et ces étincelles étaient si vives et
si ardentes qu’elles parvenaient jusqu’aux nuages.
    Quand ils eurent ainsi combattu devant les hommes de
Connaught pendant un assez long temps, tous deux sortirent du lac et, sur la
berge, ils reprirent leur forme humaine. On les reconnut alors pour les deux
porchers. Fiachna alla vers eux et leur souhaita la bienvenue. « Il n’est
pas convenable de nous souhaiter la bienvenue, répondirent-ils, car il ne
résultera rien de bon de notre dispute. Et ce sont là prouesses fatigantes que
celles que nous avons accomplies sous vos yeux. Comme vous l’avez vu, nous ne
sommes pas meilleurs l’un que l’autre. Nous allons maintenant devoir prendre un
autre aspect pour éprouver notre habileté. »
    Après avoir conversé un certain temps, ils prirent congé de
Fiachna et des hommes de Connaught et s’en allèrent, chacun de son côté.

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