Les conquérants de l'île verte
Ils
furent alors deux champions célèbres pour leur force et leur résistance. L’un
était le champion d’Ochall, qui était roi du tertre de Femen, en Munster,
l’autre champion de Fergna, qui était roi du tertre de Nento-sous-les-eaux, en
Connaught. Tous les exploits qu’accomplissaient les gens d’Ochall, c’étaient
par les mains de son champion. Il en allait de même pour ceux qu’accomplissaient
les gens de Fergna à Nento-sous-les-eaux. La gloire des deux champions s’était
rapidement répandue dans l’Île Verte, mais nul ne savait l’origine ni de l’un
ni de l’autre.
Sur ces entrefaites, Ochall décida de se rendre avec ses
gens à l’assemblée que tenaient les hommes de Connaught, près du lac Raich. Le
cortège d’Ochall était remarquable : il comprenait sept fois vingt chars
et sept fois vingt cavaliers, et leurs chevaux étaient d’une seule couleur,
tachetés avec des raies d’argent. En voyant une si belle compagnie, beaucoup de
femmes s’évanouirent, car elles n’en avaient jamais contemplé de si splendide.
Une fois arrivés, les hommes d’Ochall laissèrent leurs chars et leurs chevaux
dans la prairie sans que personne ne restât à les garder.
Les hommes de Connaught vinrent à leur rencontre et leur
souhaitèrent la bienvenue. On leur demanda également la raison de leur visite.
« Nous sommes venus, répondit Ochall, pour nous mesurer à vous dans les
jeux et les épreuves. – Qu’il en soit ainsi », répondirent les hommes de
Connaught.
Toute la journée, il y eut des jeux dans la prairie. Le
soir, ils s’assemblèrent tous pour le festin qui dura jusqu’au milieu de la
nuit. Mais, le lendemain, Ochall dit aux hommes de Connaught : « Tout
cela est très bien, mais j’ai aussi amené mon champion, qui a pour nom Rinn, et
je souhaiterais voir l’un d’entre vous se mesurer à lui. – Fais venir ton
champion. »
Ochall appela Rinn, et celui-ci vint au-devant des hommes de
Connaught. Mais, dès qu’ils le virent, ils furent si effrayés que pas un
d’entre eux n’osa relever le défi. Et les hommes de Connaught se disaient
qu’ils allaient être déshonorés.
Or, ils virent au même moment un cortège qui, venant du
nord, se dirigeait vers eux. Il y avait là trois fois vingt chevaux attelés à
des chars et trois fois vingt hommes qui montaient des chevaux noirs. On aurait
dit qu’ils chevauchaient la mer. Mais ils étaient tous mal habillés et mal
armés, et leurs chevaux, maigres et sales, ne semblaient guère rapides. Tous
ceux qui étaient là se mirent à rire en voyant l’aspect pitoyable des nouveaux
arrivants. On les accueillit cependant, on leur demanda qui ils étaient et
quelle était la raison de leur visite.
« Je suis Fergna, du tertre de Nento-sous-les-eaux,
répondit fièrement le chef de la troupe. Je suis venu ici avec les miens pour
entrer en compétition avec vous. J’ai en effet, parmi mes compagnons, un
champion si redoutable que, désormais, personne n’ose plus l’affronter. – Eh
bien, lui répondirent les hommes de Connaught, une autre troupe t’a devancé,
celle d’Ochall, du tertre de Femen. Et elle a amené un champion d’une telle
force que personne non plus n’ose l’affronter. – Mettons-les en présence l’un
de l’autre », dit Fergna.
En voyant son champion qui portait le nom de Faebal, l’assemblée
ne put s’empêcher de frémir, et une vingtaine d’hommes s’évanouirent de peur et
de saisissement. Aucun des hommes de Connaught n’aurait relevé le défi, mais
Rinn, le champion d’Ochall, se dressa et vint à la rencontre de Faebal, sûr de
lui et arrogant.
« Je combattrai ton champion, moi ! »
cria-t-il à l’adresse de Fergna.
Et, de fait, tous deux se précipitèrent l’un sur l’autre
avec une incroyable férocité, et leur combat dura trois jours et trois nuits.
Ils s’étaient si bien déchirés, et leurs blessures étaient si larges et si
profondes, qu’on pouvait presque voir leurs poumons. Alors, on décida de les
séparer, de peur qu’ils ne meurent d’épuisement. Mais à peine se furent-ils
reposés que, changeant d’aspect, ils se métamorphosèrent en hideux démons de la
nuit puis se ruèrent l’un sur l’autre en poussant d’affreux hurlements. Et leur
combat dura trois jours et trois nuits sans qu’aucun prît le dessus sur
l’autre. On alla encore une fois les séparer, et ils reprirent leur forme
habituelle, c’est-à-dire celle des deux
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