Les contrebandiers de l'ombre

Eh ben? Si tu as un bon capitaine, pas besoin d'apprendre !
    —Montons !
    Conny inspecta le flanc de la falaise au-dessus de leurs têtes : un faux pas, et cette plage serait leur tombeau.
    Robin avait déjà entrepris l'escalade, et Conny lui emboîta le pas, car la mer les talonnait.
    Mais il savait que la marée recouvrirait en "moins d'une heure le rebord auquel ils pouvaient accéder sans difficulté. Leur sort serait ainsi réglé. Conny reçut une vague en pleine figure et accéléra le mouvement. Il faillit retomber plus bas quand Robin glissa sur un rocher friable.
    Hors d'atteinte de l'eau pour l'instant, ils s'assirent, épuisés. Les éléments déchaînés autour d'eux faisaient un bruit assourdissant. Les jambes de Conny étaient molles. Il leva le nez : ils ne pouvaient plus monter. La fuite leur était coupée. Une vague les aspergea légèrement dans un grand fracas.
    — La marée va monter plus haut, Robin. On ne peut rester ici.
    — Plus haut ?
    La masse écumeuse les menaçait de noyade à chaque instant.
    —Beaucoup plus haut ! cria Conny en montrant de l'index la marque du niveau maximum, bien au-dessus d'eux. Il faut monter plus haut que cette limite ! (Cette fois-ci, la peur s'étala sur le visage de Robin.) Allons-y, on pourrait peut-être escalader un petit peu plus, reprit Conny, surtout pour insuffler de l'espoir à son ami, bien qu'il en manquât sérieusement lui-même. Par là, le replat se courbe, il n'y a pas d'issue.
    Lentement, les deux enfants se frayèrent un chemin sur les rochers rendus glissants par les embruns. Le replat rétrécissait à vue d'œil.

    Ils se retournèrent simultanément. Derrière eux, l'espace qu'ils avaient emprunté pour avancer avait disparu. Ils reprirent leur progression avec frénésie. Devant eux, le rebord disparaissait dans la falaise : c'était l'entrée d'une caverne invisible de la plage.
    Sans la moindre hésitation, ils entrèrent dans ce trou qu'éclairait vaguement une lueur grise venue de l'entrée. Ils n'avaient pas le choix. Ils durent d'abord s'accoutumer à la lumière très faible. Robin se colla contre la muraille et reprit sa respiration. Le calme était aussi revenu à leurs oreilles. Ainsi le danger semblait s'éloigner...
    Conny explora presque tout de suite cette grotte naturelle, tâtonnant dans l'obscurité et respirant bruyamment.
    Observant son ami, Robin lança :
    — Ne me raconte pas qu'on ne peut rester ici ! Conny fit une grimace que Robin ne put voir...
    Heureusement !
    — Comment crois-tu que se forment les cavernes, l'ami ?
    Une vague pénétra en force par le trou d'entrée en bouillonnant d'inquiétante façon. Un sifflement grave accompagnait le phénomène. Robin se retrouva trempé ; il comprenait enfin.
    Les conclusions qu'il pouvait en tirer étaient alarmantes.
    — Il y en a beaucoup comme ça, aux Antilles. Si nous avons de la chance, il y aura peut-être une autre issue par là. Les cavernes se creusent comme ça et se succèdent de chambre en chambre, très profondément dans le sol. Il y en aura peut-être une au-dessus de cette marée-là.
    Le rugissement de la mer prenait une ampleur sensible à chaque seconde qui passait. Pour combien de temps en avaient-ils ?

    Chapitre 30

    Skylard fit un brusque écart à la vue d'un éclair qui illumina la distance.
    — Là... .là... Du calme, ma fille, fit Rhea en lui flattant le cou.
    — J'ai bien l'impression que nous sommes bons pour nous faire saucer, s'écria Francis, affermissant sa prise sur les rênes.
    Sa voix fut en partie couverte par le grondement du tonnerre. Les éléments se confondaient dans le lointain : il était difficile de distinguer la mer et le ciel.
    — Je crois que nous en avons pour trois quarts d'heure avant que la tempête soit sur nous.
    — Je ne serais pas aussi optimiste, capitaine : une demi-heure tout au plus, rectifia Alastair.
    Mais j'espère que vous avez raison car je porte un de mes habits neufs.
    La côte devait se trouver sous un feu roulant d'embruns.
    — J'espère que Conny et Robin ne sont pas dehors. Je leur ai dit de ne pas s'éloigner du pavillon, dit Rhea.
    Elle connaissait cependant trop bien les deux gamins pour s'attendre à être obéie.
    — Ne t'en fais pas, la tranquillisa Dante avec l'assurance d'un homme habitué à voir suivre ses ordres. Ils doivent être devant un chocolat chaud. Ils ne sont pas fous, eux.
    Mais Rhea et son frère connaissaient Robin depuis trop longtemps pour se rassurer aussi