Les croisades vues par les arabes
portaient un dessin représentant le Messie, la paix soit sur lui, tout ensanglanté avec un Arabe qui le rouait de coups. Ils disaient : « Regardez! Voici le Messie, et voici Mohammed, prophète des musulmans, qui le frappe à mort! ». Emus, les Franj se rassemblèrent, y compris les femmes, et ceux qui ne pouvaient venir payèrent les frais de ceux qui allaient se battre a leur place. Un des prisonniers ennemis m'a raconté qu'il était fils unique et que sa mère avait vendu sa maison pour lui fournir son équipement. Les motivations religieuses et psychologiques des Franj étaient telles qu'ils étaient prêts à surmonter n'importe quelles difficultés pour arriver à leurs fins.
Dès les premiers jours de septembre, de fait, les troupes de Guy reçoivent renforts sur renforts. Commence alors la bataille d'Acre, l'une des plus longues et des plus éprouvantes de toutes les guerres fraifques. Acre est bâtie sur une péninsule en forme d’appendice nasal : au sud, le port; à l'ouest, la mer; au nord et à l'est, deux solides murailles qui forment un angle droit. La cité est doublement encerclée. Autour des remparts, solidement tenus par la garnison musulmane, les Franj forment un arc de cercle de plus en plus épais, mais ils doivent compter, sur leurs arrières, avec l'armée de Saladin. Les premiers temps, celui-ci a tenté de prendre l’ennemi en tenailles avec l'espoir de le décimer. Mais rapidement il se rend compte qu'il n'en viendra pas à bout. Car, si l'armée musulmane remporte plusieurs victoires successives, les Franj compensent immédiatement leurs pertes. De Tyr ou d'au delà des mers, chaque jour qui se lève leur amène son lot de combattants.
En octobre 1189, alors que la bataille d'Acre fait rage, Saladin reçoit un message d'Alep l'informant que le « roi des Alman », l'empereur Frédéric Barberousse, s'approche de Constantinople, en route vers la Syrie, avec deux cents à deux cent soixante mille hommes. Le sultan en est vivement préoccupé, nous dit son fidèle Bahaeddin, qui se trouve alors à ses côtés. Vu l'extrême gravité de la situation, il jugea nécessaire d'appeler tous les musulmans au jihad et d 'informer le calife des développements de la situation. Il me chargea donc d'aller voir les maîtres de Sinjar, de la Jézira, de Mossoul, d'Irbil, et de les pousser à venir eux-mêmes avec leurs soldats pour participer au jihad. Je devais me diriger ensuite vers Baghdadafin d'inciter le prince des croyants à réagir. Ce que je fis . Pour tenter de tirer le salife de sa léthargie, Saladin lui précise dans une lettre que le pape qui réside à Rome a ordonné aux peuples francs de marcher sur Jérusalem . En même temps, Saladin envoie des messages aux dirigeants du Maghreb et de l'Espagne musulmane pour les inviter à se porter au secours de leurs frères comme les Franj d'Occident ont agi avec ceux d'Orient . Dans tout le monde arabe, l'enthousiasme suscité par la reconquête cède la place à la peur. On chuchote que la vengeance des Franj sera terrible, qu'on assistera à un nouveau bain de sang, que la Ville sainte sera à nouveau perdue, que la Syrie et l'Egypte vont tomber toutes deux aux mains des envahisseurs. Mais, une fois de plus, le hasard, ou la providence, intervient en faveur de Saladin.
Après avoir traversé triomphalement l'Asie Mineure, l'empereur allemand arrive au printemps de 1190 devant Konya, le capitale des successeurs de Kilij Ars-lan, dont il force rapidement les portes, avant d'envoyer des émissaires à Antioche pour annoncer sa venue. Les Arméniens du sud de l’Anatolie s'en alarment. Leur clergé dépêche un messager à Saladin pour le supplier de les protéger contre cette nouvelle invasion franque. Mais l'intervention du sultan ne sera pas nécessaire. Le 10 juin, par un temps de canicule, Frédéric Barberousse se baigne dans un petit cours d'eau au pied des monts Taurus, quand, sans doute victime d'une crise cardiaque, il se noie dans un endroit, précise Ibn al-Athir, où l'eau arrive à peine à la hanche. Son armée se dispersa, et Dieu évita ainsi aux musulmans la malfaisance des Allemands, qui sont, parmi les Franj. une espèce particulièrement nombreuse et tenace .
Le danger allemand est donc miraculeusement écarté, mais non sans avoir paralysé Saladin pendant plusieurs mois, l'empêchant d'engager la bataille décisive contre les assiégeants d'Acre. Désormais, autour du port palestinien, la situation est
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