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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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gémissements se soient tus. 
    Ayant ainsi résolu ce problème de manière expéditive, Richard quitte Acre a la tête de ses troupes. Il se dirige vers le sud, le long de la côte, sa flotte le suivant de près, tandis que Saladin emprunte une route parallèle, à l'intérieur des terres. Les affrontements sont nombreux entre les deux armées, mais aucun n'est décisif. Le sultan sait à présent qu'il ne peut empêcher les envahisseurs de reprendre le contrôle du littoral palestinien, encore moins détruire leur armée. Son ambition se borne à les contenir, à leur barrer, coûte que coûte, la route de Jérusalem, dont la perte serait terrible pour l'islam. Il sent qu'il vit l'heure la plus sombre de sa carrière. Profondément affecté, il s'efforce cependant de préserver le moral de ses troupes et de ses proches. Devant ces derniers, il reconnaît qu'il a subi de graves revers, mais, explique-t-il, lui et son peuple sont ici pour rester, alors que les rois francs ne font que participer à une expédition qui tôt ou tard prendra fin. Le roi de France n'a-t-il pas quitté la Palestine en août, après avoir passé cent jours en Orient? Celui d’Angleterre n'a-t-il pas souvent répété qu'il avait hâte de retourner vers son lointain royaume? 
    Richard multiplie d'ailleurs les ouvertures diplomatiques. En septembre 1191, alors que ses troupes viennent de remporter quelques succès, notamment dans la plaine côtière d'Arsouf, au nord de Jaffa, il insiste auprès d'al-Adel pour parvenir à un accord rapide.
Les nôtres et les vôtres sont morts, lui dit-il dans un message, le pays est en ruine et l'affaire nous a complètement échappé, à nous tous. Ne crois-tu pas que cela suffit? En ce qui nous concerne, il n'y a que trois sujets de discorde :Jérusalem, la vraie croix, et le territoire. S'agissant de Jérusalem, c'est notre lieu de culte et nous n'accepterons jamais d'y renoncer, même si nous devions nous battre jusqu'au dernier. Pour le territoire, nous voudrions qu'on nous rende ce qui est à l'ouest du Jourdain. Quant à la croix, elle ne représente pour vous qu'un bout de bois, alors que pour nous sa valeur est inestimable. Que le sultan nous la donne, et qu'on mette fin à cette lutte épuisante.
    Al-Adel s'en rapporte immédiatement à son frère, qui consulte ses principaux collaborateurs avant de dicter sa réponse :
La Ville sainte est autant à nous qu'à vous; elle est même plus importante pour nous, car c'est vers elle que notre prophète a accompli son miraculeux voyage nocturne, et c'est là que notre communauté sera réunie le jour du jugement dernier. Il est donc exclu que nous l’abandonnions. Jamais les musulmans ne l'admettraient. Pour ce qui est du territoire, il a toujours été nôtre, et votre occupation n'est que passagère. Vous avez pu vous y installer en raison de la faiblesse des musulmans qui alors le peuplaient, mais tant qu'il y aura la guerre nous ne vous permettrons pas de jouir de vos possessions. Quant à la croix, elle représente un grand atout entre nos mains, et nous ne nous en séparerons que si nous obtenons en contrepartie une concession importante en faveur de l'islam.
    La fermeté des deux messages ne doit pas faire illusion. Si chacun présente ses exigences maximales, il est clair que la voie du compromis n'est pas fermée. De fait, trois jours après cet écnange, Richard fait parvenir au frère de Saladin une bien curieuse proposition.
Al-Adel me convoqua, raconte Bahaeddin, pour me communiquer les résultats de ses derniers contacts. Selon l'accord envisagé, al-Adel épouserait la sœur du roi d’Angleterre. Celle-ci était mariée au maître de la Sicile, qui était mort. L'Anglais avait donc amené sa sœur avec lui en Orient, et il proposait de la marier à al-Adel. Le couple résiderait à Jérusalem. Le roi donnerait les terres qu'il contrôle, d'Acre à Ascalon, à sa sœur, qui deviendrait reine du littoral, du « sahel ». Le sultan céderait ses possessions du littoral à son frère, qui deviendrait roi du sahel. La croix leur serait confiée, et les prisonniers des deux camps seraient libérés. Puis, la paix étant conclue, le roi d'Angleterre repartirait vers son pays au delà des mers.
    Visiblement. al-Adel est séduit. Il recommande à Bahaeddin de faire tout son possible pour convaincre Saladin. Le chroniqueur promet de s'y employer.
Je me présentai donc devant le sultan et lui répétai ce que j'avais entendu. D'emblée, il me dit

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