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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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l'endroit par lequel les Occidentaux ont opéré leur percée en juillet 1099. Voyant qu'il ne sert plus à rien de poursuivre le combat, Balian demande un sauf-conduit et se présente devant le sultan. 
    Saladin se montre intraitable. N'a-t-il pas proposé âux habitants, bien avant la bataille, les meilleures conditions de capitulation? Maintenant, le temps n'est plus aux négociations, car il a juré qu'il prendra la ville par l'épée comme l'avaient fait les Franj! Le seul moyen de le délier de son serment, c'est que Jérusalem lui ouvre ses portes et s'en remette totalement à lui, sans conditions.
Balian insiste pour obtenir une promesse de vie sauve, relate Ibn aI-Athir, mais Salaheddin ne promet rien. Il essaie de l'attendrir, mais en vain. Alors il s'adresse à lui en ces termes : « O sultan, sache qu'il y a dans cette ville une foule de gens dont Dieu seul connaît le nombre. Ils hésitenÎ à poursuivre le combat, parce qu'ils espèrent que tu préserveras leurs vies comme tu l'as fait avec bien-d'autres, paroe qu'ils aiment la vie et détestent la mort. Mais si nous voyons que la mort est inévitable, alors, par Dieu, nous tuerons nos enfants et nos femmes, nous brûlerons tout ce que nous possédons, nous ne vous laisserons, comme butin, pas un seul dinar, pas un seul dirham, pas un seul homme ni une seule femme à emmener en captivité. Ensuite, nous détruirons le Rocher sacré, la mosquée al-Aqsa et bien d'autres lieux, nous tuerons les cinq mille prisonniers musulmans que nous détenons. puis nous exterminerons les montures et toutes les bêtes. A la fin, nous sortirons, et nous nous battrons contre vous comme on se bat pour sa vie. Aucun de nous ne mourra sans avoir tué plusieurs des vôtres. »
    Sans être impressionné par les menaces, Saladin est ému par la ferveur de son interlocuteur. Pour ne pas se montrer trop aisément attendri, il se tourne vers ses conseillers et leur demande si, pour éviter la destruction des lieux saints de l'islam, il ne pourrait pas être délié de son serment de prendre la ville par l'épée. Leur réponse est affirmative, mais, connaissant l'incorrigible générosité de leur maître, ils insistent pour qu'il obtienne des Franj, avant de les laisser partir, une compensation financière, car la longue campagne en cours a totalement vidé les caisses de l'Etat. Les infidèles, expliquent les conseillers, sont virtuellement prisonniers. Pour se racheter, chacun devra payer sa rançon : dix dinars pour les hommes, cinq pour les femmes et un pour les enfants. Balian accepte le principe, mais plaide en faveur des pauvres qui ne peuvent, dit-il, payer une telle somme. Ne pourrait-on pas libérer sept mille d'entre eux pour trente mille dinars? Une fois encore la demande est acceptée, à la fureur des trésoriers. Satisfait, Balian ordonne à ses hommes de déposer les armes. 
    Et le vendredi 2 octobre 1187, le 27 rajab de l'an 583 de Phégire, le jour même où les musulmans fêtent le voyage nocturne du Prophète à Jérusalem, Saladin fait son entrée solennelle dans la Ville sainte. Ses émirs et ses soldats ont des ordres stricts : aucun chrétien, qu'il soit franc ou oriental, ne doit être inquiété. De fait, il n'y aura ni massacre ni pillage. Quelques fanatiques ont réclamé la destruction de l'église du Saint-Sépulcre en guise de représailles contre les exactions commises par les Franj, mais Saladin les remet à leur place. Bien plus, il renforce la garde sur les lieux du culte et annonce que les Franj eux-mêmes pourront venir en pèlerinage quand ils le voudrontf Bien entendu, la croix franque, installée sur le dôme du Rocher est ramenée; et la mosquée al-Aqsa, qui avait été transformée en église, redevient un lieu de culte musulman, après que ses murs ont été aspergés d'eau de rose. 
    Tandis que Saladin, entouré d'une nuée de compagnons, passe d'un sanctuaire à l'autre, pleurant, priant et se prosternant, la plupart des Franj sont demeurés dans la cité. Les riches se préoccupent de vendre leurs maisons, leurs commerces ou leurs meubles avant de s'exiler, les acheteurs étant généralement des chrétiens orthodoxes ou jacobites qui restent sur place. D'autres biens seront vendus plus tard aux familles juives que Saladin installera dans la Ville sainte. 
    Balian s'efforce, quant à lui, de réunir l'argent nécessaire pour racheter la liberté des plus pauvres. En elle-même, la rançon n'est pas très lourde. Celle des princes

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