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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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succès renforcerait sa position dans sa lutte contre le pape, qui vient de l'excommunier pour le punir d'avoir retardé son expédition en Orient. 
    Lorsque en septembre 1228 l'empereur débarque à Acre, il est convaincu qu'avec l'aide d'al-Kamel il va pouvoir entrer en triomphateur à Jérusalem, imposant ainsi le silence à ses ennemis. En fait, le maître du Caire est terriblement embarrassé, car des événements récents ont totalement bouleversé l'échiquier régional. Al-Moazzam est mort subitement en novembre 1227, laissant Damas à son fils an-Nasser, un jeune homme sans expérience. Pour al-Kamel, qui peut désormais songer à s'emparer lui-même de Damas et de la Palestine, il n'est plus question d'établir un Etat tampon entre l’Egypte et la Syrie. C'est dire si l'arrivée de Frédéric qui lui réclame en toute amitié Jérusalem et ses environs ne l'enchante guère. En homme d'honneur, il ne peut renier ses promesses, mais il essaie de tergiverser, expliquant à l'empereur que la situation a subitement changé. 
    Frédéric, venu avec seulement trois mille hommes, considérait que la prise de Jérusalem ne serait qu'une formalité. Aussi n'ose-t-il se lancer dans une politique d'intimidation et cherche-t-il à attendrir al-Kamel : Je suis ton ami, lui écrit-il. C'est toi qui m'as incité à faire ce voyage. Maintenant, 1e pape et tous les rois d’Occident sont au courant de ma mission. Si je revenais les mains vides, je perdrais toute considération. De grâce, donne-moi Iérusalem pour que je puisse garder la tête haute! Al-Kamel est touché, aussi envoie-t-il à Frédéric son ami Fakhreddin, chargé de cadeaux, avec une réponse à double sens. Moi aussi, lui explique-t-il, je dois tenir compte de l'opinion. Si je te livrais Jérusalem, cela pourrait entraîner, non seulement une condamnation de mes actes de la part du calife, mais aussi une insurrection religieuse qui risque d'emporter mon trône . Pour l'un comme pour l'autre, il s'agit, avant tout, de sauver la face. Frédéric en arrive à supplier Fakhreddin de lui trouver une issue honorable. Et celui-ci lui lance, avec l'accord préalable du sultan, une bouée de sauvetage. a Le peuple n'accepterait jamais que nous livrions Jérusalem, si chèrement conquise par Saladin, sans aucun combat. En revanche, si l'accord sur la Ville sainte pouvait éviter une guerre sanglante... » L'empereur a compris. Il sourit, remercie son ami du conseil, puis ordonne à ses maigres troupes d'être prêtes au combat. Fin novembre 1228, tandis qu'il marche en grande pompe vers le port de Jaffa, al-Kamel fait dire de par tout le pays qu'il faut s'apprêter à une longue et dure guerre contre le puissant souverain d'Occident. 
    Quelques semaines plus tard, sans qu'aucun combat ait été engagé, le texte de l'accord est prêt : Frédéric obtient Jérusalem, un corridor la reliant à la côte, ainsi que Bethléem, Nazareth, les environs de Saïda et la puissante forteresse de Tibnin, à l'est de Tyr. Les musulmans gardent, dans la Ville sainte, une présence dans le secteur du Haram ach-Charîf, où sont groupés leurs principaux sanctuaires. Le traité est signé le 18 février 1229 par Frédéric et par l'ambassadeur Fakhreddin au nom du sultan. Un mois plus tard, l'empereur se rend à Jérusalem, dont la population musulmane a été évacuée par al-Kamel, à l'exception de quelques hommes de religion préposés aux lieux de culte de l'islam. Il est reçu par le cadi de Naplouse, Chamseddin, qui lui remet les clefs de la cité et lui sert en quelque sorte de guide. Le cadi raconte lui-même cette visite.
Quand l'empereur, roi des Franj, vint à Jérusalem, je restai avec lui comme me l'avait demandé al-Kamel. J'entrai avec lui dans le Haram ach-Charif, où il fit le tour des petites mosquées. Puis nous nous rendîmes à la mosquée al-Aqsa, dont il admira l'architecture, ainsi que celle du Dôme-du-Rocher. Il fut fasciné par la beauté de la chaire, en gravit les marches jusqu'en haut. Quand il descendit, il me prit par la main et m'entraîna à nouveau vers al-Aqsa. Là, il trouva un prêtre qui, l'Evangile à la main, voulait entrer dans la mosquée. Furieux, l'empereur se mit à le rudoyer. « Qu'est-ce qui t'a amené en ce lieu? Par Dieu, si l'un de vous osait encore mettre les pieds ici sans permission, je lui crèverais les yeux! » Le prêtre s'éloigna en tremblant. Cette nuit-là, je demandai au muezzin de ne pas appeler à la prière pour

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