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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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l'étroite bande côtière autour d'Acre, de Tripoli ou d'Antioche ne présente aucun attrait pour les aventuriers. Dans l'immédiat, le détournement de l'expédition prive les Franj de Syrie des renforts qui leur auraient permis de tenter une nouvelle opération contre Jérusalem et les force à demander en 1204 au sultan le renouvellement de la trêve. Ce qu’al-Adel accepte pour six ans. Bien qu'il soit désormais au faîte de sa puissance, le frère de Saladin n'a aucunement l'intention de se lancer dans une entreprise de reconquête. La présence des Franj sur le littoral ne le gêne nullement. 
    Dans leur majorité, les Franj de Syrie voudraient que la paix se prolonge, mais au-delà des mers, et notamment à Rome, on ne songe qu'à reprendre les hostilités. En 1210, le royaume d'Acre échoit, à la faveur d'un mariage, à Jean de Brienne, un chevalier de soixante ans récemmentarrivé d'Occident. Bien que s'étant résigné à renouveler la trêve pour cinq ans en juillet 1212, il ne cesse d'envoyer des messagers au pape pour le presser d'accélérer les préparatifs d'une puissante expédition, de sorte qu'une offensive puisse être lancée dès l'été 1217. De fait les premiers vaisseaux de pèlerins armés atteignent Acre avec un peu de retard, au mois de septembre. Ils sont bientôt suivis de centaines d'autres. En avril 1218, une nouvelle invasion franque commence. Elle a pour objectif l'Egypte.
    Al-Adel est surpris, et surtout déçu par cette agression. N'a-t-il pas tout fait, depuis son arrivée au pouvoir, et même auparavant, à l'époque des négociations avec Richard, pour mettre fin à l'état de guerre ? N 'a-t-il pas supporté depuis des années les sarcasmes des hommes de religion qui l'accusaient d'avoir déserté la cause du jihad par amitié pour les hommes blonds ? Des mois durant, cet homme de soixante-treize ans, malade, refuse d'ajouter foi aux rapports qui lui parviennent. Qu'une bande d’Allemands enragés s'emploie à piller quelques villages de Galilée, c'est une péripétie dont il a l'habitude et qui ne l'inquiète pas. Mais qu'après un quart de siècle de paix l'Occident s'engage dans une invasion massive, cela lui semble impensable. 
    Pourtant, les informations se font de plus en plus précises. Des dizaines de milliers de combattants francs se sont rassemblés devant la ville de Damiette, qui contrôle l'accès de la branche principale du Nil. Sur instruction de son père, al-Kamel marche à leur rencontre à la tête de ses troupes. Effrayé par leur nombre, il évite de les affronter. Prudemment, il installe son camp au sud du port, de manière à soutenir la garnison sans être contraint à livrer une bataille rangée. La cité est l'une des mieux défendues d'Egypte. Ses remparts sont entourés, à l'est et au sud, d'une étroite bande de terre marécageuse, tandis qu'au nord et à l'ouest le Nil assure un lien permanent avec l'arrière-pays. Elle ne peut donc être efficacement encerclée que si l'ennemi peut s'assurer le contrôle du fleuve. Pour se prémunir contre un tel danger, la cité dispose d'un système ingénieux qui n'est autre qu'une très grosse chaîne en fer, fixée d'un côté aux remparts de la cité et de l'autre à une citadelle construite sur un îlot proche de la rive opposée, et qui barre l'accès du Nil. Constatant qu'aucun vaisseau ne peut passer si la chaîne n'est pas détachée, les Franj s'acharnent sur la citadelle. Trois mois durant tous leurs assauts sont repoussés, jusqu'au moment où ils ont l'idée d’arrimer deux grands vaisseaux et d'y construire une sorte de tour flottante arrivant à la hauteur de la citadelle. Ils la prennent d'assaut le 25 août 1218; la chaîne est rompue. 
    Lorsqu'un pigeon voyageur, quelques jours plus tard, porte la nouvelle de cette défaite à Damas, al-Adel s'en montre profondément affecté. Il est clair que la chute de la citadelle va entraîner celle de Damiette et qu'aucun obstacle ne pourra plus arrêter les envahisseurs sur la route du Caire. Une longue campagne s'annonce qu'il n'a ni la force ni l'envie de mener. Au bout de quelques heures, il succombe à une crise cardiaque. 
    Pour les musulmans, la véritable catastrophe n'est pas la chute de la citadelle fluviale mais bien la mort du vieux sultan. Sur le plan militaire, al-Kamel parvient, en effet, à contenir l'ennemi, à lui infliger des pertes sévères et a l'empêcher d'achever l'encerclement de Damiette. Par contre, sur le plan

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