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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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des esclaves soumis aux ordres de Votre Majesté, répondirent les malheureux en feignant de prendre la menace pour une bonne plaisanterie. Et ce fut d'ailleurs ainsi qu'ils échappèrent à la mort.
    Le vide ne tarde pas à se faire autour du jeune dément. Un seul homme ose encore l'approcher, c'est son eunuque Loulou, « Perles ». Mais ce dernier aussi commence à craindre pour sa vie. En septembre 1114, il profite du sommeil de son maître pour le tuer et installe sur le trône un autre fils de Redwan, âgé de six ans.
    Alep s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'anar- chie. Alors que dans la Citadelle des groupes incontrôlés d'esclaves et de soldats s'entre-déchirent, les citadins en armes patrouillent dans les rues de la ville pour se protéger contre les pillards. Dans ce premier temps, les Franj d’Antioche ne cherchent pas à tirer profit de ce chaos qui paralyse Alep. Tancrède est mort un an avant Redwan, et son successeur, sire Roger, que Kamaleddin dans sa chronique appelle Sirjal, n'a pas encore suffisamment d'assurance pour s'engager dans une action de grande envergure. Mais ce répit est de courte durée. Dès 1116, Roger d’Antioche, s'assurant le contrôle de toutes les routes menant à Alep, occupe l'une après l'autre les principalesforteresses qui entourent la ville et, faute de résistance, en arrive même à prélever une taxe sur chaque pèlerin qui se rend à La Mecque.
    En avril 1117, l'eunuque Loulou est assassiné. Selon Kamaleddin, les soldats de son escorte avaient tramé un complot contre lui. Pendant qu'il marchait à l'est de la ville, ils bandèrent subitement leurs arcs en criant : « Au lièvre! Au lièvre! » pour lui faire croire qu'ils voulaient chasser cet animal. En fait, c'est Loulou lui-même qu'ils criblèrent de flèches . A sa disparition, le pouvoir passe à un nouvel esclave qui, incapable de s'imposer, demande à Roger de venir l'aider. Le chaos devient alors indescriptible. Tandis que les Franj se préparent à assiéger la ville, les militaires continuent à se battre pour le contrôle de la Citadelle. Aussi Ibn al-Khachab décide-t-il d'agir sans délai. Il réunit les principaux notables de la cité et leur soumet un projet qui va se révéler lourd de conséquences. En tant que ville frontière, Alep, leur explique-t-il, se doit d'être à l'avant-garde du jihad contre les Franj et, de ce fait, doit offrir son gouvernement à un émir puissant, peut-être au sultan lui-même, de manière à ne plus jamais se laisser gouverner par un roitelet local qui place ses intérêts personnels avant ceux de l'islam. La proposition du cadi est approuvée, non sans réticences, car les Alépins sont jaloux de leur particularisme. On passe donc en revue les principaux candidats possibles. Le sultan? Il ne veut plus entendre parler de la Syrie. Toghtekin ? C'est le seul prince syrien à avoir une certaine envergure, mais les Alépins n’accepteraient jamais un Damascain. Alors Ibn al-Khachab avance le nom de l'émir turc Ilghazi, gouverneur de Mardin en Mésopotamie. Sa conduite n'a pas toujours été exemplaire. Il a soutenu, deux ans plus tôt, l'alliance islamo-franque contre le sultan et il est connu pour son ivrognerie. Quand il buvait du vin, nous dit Ibn al-Qala-nissi, Ilghazi restait en état d'hébétude pendant plusieurs jours, sans même reprendre ses esprits pour donner un ordre ou une directive . Mais il faudrait chercher longtemps pour trouver un militaire sobre. Et puis, soutient Ibn al-Khachab, Ilghazi est un combattant courageux, sa famille a longtemps gouverné Jérusalem et son frère Sokman a remporté la victoire de Harran contre les Franj. Une majorité ayant fini par se rallier à cette opinion, Ilghazi est invité à venir, et c'est le cadi lui-même qui lui ouvre les portes-d'Alep au cours de l'été 1118. Le premier acte de l'émir est d'épouser la fille du roi Redwan, geste qui symbolise l'union entre la cité et son nouveau seigneur et affirme en même temps la légitimité de ce dernier. Ilghazi bat le rappel de ses troupes.
    Vingt ans après le début de l'invasion franque, la capitale de la Syrie du Nord a, pour la première fois, un chef désireux de se battre. Le résultat est foudroyant. Le samedi 28 juin 1119, l'armée du maître d’Alep affronte celle d’Antioche dans la plaine de Sarmada, à mi-chemin entre les deux villes. Le khamsin, un vent sec et chaud, chargé de sable, souffle dans les yeux des combattants. Kamaleddin nous

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