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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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de Tyr. Le 6 mai 1124, avant de prendre la route, il effectue un dernier tour d'inspection.
Casque en tête et bouclier au bras, poursuit le chroniqueur d'Alep, Balak s'approcha de la forteresse de Manbij pour choisir la place où l'on dresserait les mangonneaux. Pendant qu'il donnait ses ordres, une flèche partie des remparts l'atteignit sous la clavicule gauche. Il arracha lui même le trait et, crachant dessus avec mépris, il murmura : « Ce coup sera mortel pour tous les musulmans! » Puis il expira.
    Il disait vrai. Dès que la nouvelle de sa mort parvient à Tyr, les habitants perdent courage et ne songent plus qu'à négocier les conditions de leur reddition. Le 7 juillet 1124 , raconte Ibn al-Qalanissi, ils sortirent entre deux rangs de soldats, sans être molestés par les Franj. Tous les militaires et les civils quittèrent la ville, où restêrent seulement les impotents . Quelques exilés allèrent à Damas, les autres se dispersèrent dans le pays. 
    Si le bain de sang a pu être évité, c'est néanmoins dans l'humiliation que s'achève l'admirable résistance des Tyrïens.
    Ils ne seront pas les seuls à subir les conséquences de la disparition de Balak. A Alep, le pouvoir échoit à Timourtach, le fils d‘Ilghazi, un jeune homme de dix-neuf ans uniquement occupé , selon Ibn al-Athir, à s'amuser, et qui s'empressa de quitter Alep pour sa ville d'origine, Mardin, parce qu'il trouvait qu'il y avait en Syrie trop de guerres avec les Franj . Non content d'abandonner sa capitale, l'incapable Timourtach se hâte de relâcher le roi de Jérusalem en échange de vingt mille dinars. Il lui offre des vêtements d'honneur, un bonnet d'or et des bottines ornementées et-lui rend même le cheval que Balak lui avait enlevé le jour de sa capture. Comportement princier sans doute, mais totalement irresponsable, car, quelques semaines après sa libération, Baudouin II arrive devant Alep avec la ferme intention de s'en emparer.
    La défense de la cité incombe entièrement à Ibn al-Khachab, qui ne dispose que de quelques centaines d'hommes armés. Le cadi, qui voit des milliers de combattants autour de sa ville, dépêche un messager au fils d’Ilghazi. Au péril de sa vie, l'émissaire traverse de nuit les lignes ennemies. Arrivé à Mardin, il se présente au diwan de l'émir et le supplie avec insistance de ne pas abandonner Alep. Mais Timourtach, aussi effronté que lâche, ordonne de jeter en prison le messager dont les plaintes l’agacent.
    Ibn al-Khachab se tourne alors vers un autre sauveur, al-Borsoki, un vieux militaire turc qui vient d'être nommé gouverneur de Mossoul. Connu pour sa rectitude et son zèle religieux, mais aussi pour son habileté politique et son ambition, al-Borsoki accepte avec empressement l'invitation que lui envoie le cadi et se met immédiatement en route. Son arrivée en janvier 1125 devant la ville assiégée surprend les Franj, qui s'enfuient en abandonnant leurs tentes. Ibn al-Kha-chab se hâte de sortir à la rencontre d'al-Borsoki pour l'inciter à les poursuivre, mais l'émir est fatigué par sa longue chevauchée et surtout pressé de visiter sa nouvelle possession. Comme Ilghazi cinq ans plus tôt, il n'osera pas pousser son avantage, et laissera à l'ennemi le temps de se ressaisir. Mais son intervention revêt une importance considérable puisque l'union réalisée en 1125 entre Alep et Mossoul va être le noyau d'un puissant Etat qui, bientôt, pourra riposter avec succès à l'arrogance des Franj. 
    Par sa ténacité et son étonnante perspicacité, on sait qu'Ibn al-Khachab n'a pas seulement sauvé sa ville de l'occupation mais a contribué, plus que tout autre, à préparer la voie aux grands dirigeants du jihad contre les envahisseurs. Pourtant le cadi ne verra pas leur avènement. Un jour de l'été 1125, alors qu'il sortait de la grande mosquée d'Alep après la prière de midi, un homme déguisé en ascète bondit sur lui et lui plante un poignard dans la poitrine. C'est la vengeance des Assassins. Ibn al-Khachab avait été l'adversaire le plus acharné de la secte, il avait répandu à flots le sang de ses adeptes et ne s'en était jamais repenti. Il ne pouvait donc ignorer qu'un jour ou l'autre il le paierait de sa vie. Depuis un tiers de siècle, aucun ennemi des Assassins n'avait réussi à leur échapper.
    C'est un homme de vaste culture, sensible à la poésie, esprit curieux au fait des derniers progrès des sciences, qui avait créé en 1090

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