Les croisades vues par les arabes
coaliser et l'armée seldjoukide devra se retirer honteusement au bout de quelques mois. Mohammed jure alors de ne plus jamais s'occuper du problème franc. Il tiendra parole.
Pendant que les princes musulmans donnent de nouvelles preuves de leur totale irresponsabilité, deux villes arabes vont démontrer, à quelques mois d'intervalle, qu'il est encore possible de résister à l'occupation étrangère. Après la reddition de Saïda en décembre 1110, les Franj sont maîtres de tout le littoral, le « sahel », du Sinaï jusqu'au « pays du fils de l’Arménien », au nord d'Antioche. A l'exception, toutefois, de deux enclaves côtières : Ascalon et Tyr. Encouragé par ses victoires successives, Baudouin se propose donc de régler leur sort sans tarder. La région d'Ascalon est réputée pour la culture de ses oignons rougeâtres, dits « ascaloniens », un mot que les Franj déformeront en « échalote ». Mais son importance est surtout militaire, car elle constitue le point de rassemblement des troupes égyptiennes chaque fois qu'elles projettent une expédition contre le royaume de Jérusalem.
Dès 1111, Baudouin vient parader avec son armée sous les murs de la ville. Le gouverneur fatimide d'Ascalon, Chams al-Khilafa, « Soleil du Califat ", plus enclin au commerce qu'à la guerre , constate Ibn al-Qalanissi, est immédiatement effrayé par la démonstration de force des Occidentaux. Sans esquisser un geste de résistance, il accepte de leur payer un tribut de sept mille dinars. La population palestinienne de la ville, qui se sent humiliée par cette capitulation inattendue, envoie des émissaires au Caire pour demander la destitution du gouverneur. L’apprenant, et craignant que le vizir al-Afdal ne veuille le châtier pour sa lâcheté, Chams al-Khilafa tente d'éviter cela en expulsant les fonctionnaires égyptiens et en se plaçant carrément sous la protection des Franj. Baudouin lui dépêche trois cents hommes qui prennent en main la citadelle d'Ascalon.
Scandalisés, les habitants ne se découragent pas. Des réunions secrètes se tiennent dans les mosquées; on élabore des plans, jusqu'à ce jour de juillet 1111 où, alors que Chams al-Khilafa sort à cheval de sa résidence, un groupe de conjurés l’assaillent, le criblant de coups de poignard. C'est le signal de la révolte. Des citadins armés, auxquels se sont joints des soldats berbères appartenant à la garde du gouverneur, se lancent à l'assaut de la citadelle. Les guerriers francs sont traqués dans les tours et le long des murailles. Aucun des trois cents hommes de Baudouin ne parviendra à se sauver. Plus de quarante ans encore, la ville échappera à la domination des Franj.
Afin de venger l'humiliation que les résistants d'Ascalon viennent de lui infliger, Baudouin se retourne contre Tyr, l'antique cité phénicienne d'où était parti, pour diffuser l'alphabet à travers la Méditerranée, le prince Cadmos, le propre frère d’Europe qui allait donner son nom au continent des Franj. L'imposante muraille de Tyr rappelle encore sa glorieuse histoire. La ville est entourée de trois côtés par la mer, seule une étroite corniche bâtie par Alexandre le Grand la relie à la terre ferme. Réputée imprenable, elle abrite en 1111 un grand nombre de réfugiés des territoires récemment occupés. Leur rôle dans la défense sera capital, comme le rapporte Ibn al-Qalanissi, dont le récit se fonde visiblement sur des renseignements de première main.
Les Franj avaient élevé une tour mobile à laquelle ils avaient fixé un bélier d'une redoutable efficacité. Les murs furent ébranlés, une partie des pierres vola en éclats et les assiégés se trouvèrent au bord du désastre. C'est alors qu'un marin originaire de Tripoli, qui avait des connaissances en métallurgie et une expérience des choses de la guerre, entreprit de fabriquer des grappins de fer destinés à s'accrocher au bélier par la tête et par les côtés, au moyen de cordes que tenaient les defenseurs. Ceux-ci tiraient si vigoureusement que la tour de bois était déséquilibrée. A plusieurs reprises, les Franj durent briser leur propre bélier pour éviter que la tour ne s'écroule.
Renouvelant leurs tentatives, les assaillants parviennent à pousser leur tour mobile à proximité de la muraille et des fortifications qu'ils recommencent à marteler avec un nouveau bélier de soixante coudées de longueur, dont la tête est constituée par une pièce de fonte
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