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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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conformément au traité d'alliance. Puis il se rend en visite officielle au royaume de Jérusalem. 
    Oussama l'accompagne, Oussama qui est devenu en quelque sorte le grand spécialiste des questions franques à Damas. Fort heureusement pour nous, l'émir chroniqueur ne se limite pas aux négociations diplomatiques. C’est, avant tout, un esprit curieux et un observateur perspicace qui nous laissera un témoignage inoubliable sur les mœurs et la vie quotidienne au temps des Franj.
Quand je visitais Jérusalem, j'avais l'habitude de me rendre à la mosquée al-Aqsa, lieu de séjour de mes amis Templiers. Il y avait sur un des côtés un petit oratoire où les Franj avaient installé une église. Les Templiers mettaient cet endroit a ma disposition pour que j'y fasse mes prières. Un jour, je suis entré, j'ai dit « Allahou Akbar! v» et j'allais commencer la prière lorsqu'un homme, un Franj, se précipita sur moi, m'empoigna et me tourna le visage vers l'Orient en me disant : « C'est ainsi qu'on prie! ». Tout de suite, des Templiers accoururent et l'éloignèrent de moi. Je revins donc à ma prière, mais cet homme, profitant d'un moment d'inattention, se jeta à nouveau sur moi, me retourna le visage vers l'Orient en répétant : « C'est ainsi qu'on prie! ». Cette fois encore, les Templiers intervinrent, l'éloignèrent et s'excusèrent envers moi en disant : « C'est un étranger. Il vient d'arriver du pays des Franj et il n'a jamais vu quelqu'un prier sans se tourner vers l'Orient. » Je répondis que j'avais assez prié, et je sortis, stupéfait par le comportement de ce démon qui s'était tellement fâché en me voyant prier en direction de La Mecque.
    Si l'émir Oussama n'hésite pas à appeler les Templiers « mes amis », c'est qu'il estime que leurs mœurs barbares se sont polies au contact de l'Orient. Parmi les Franj, explique-t-il, nous en voyons qui sont venus se fixer au milieu de nous et qui ont cultivé la société des musulmans. Ils sont bien supérieurs à ceux qui les ont nouvellement rejoints dans les territoires qu'ils occupent. Pour lui, l'incident de la mosquée al-Aqsa est « un exemple de la grossièreté des Franj ». Il en cite d'autres, recueillis au cours de ses fréquentes visites au royaume de Jérusalem.
Je me trouvais à Tibériade un jour où les Franj célébraient l'une de leurs fêtes. Les chevaliers étaient sortis de la ville pour se livrer à un jeu de lances. Ils avaient entraîné avec eux deux vieilles femmes décrépites qu'ils avaient placées à une extrémité de l'hippodrome, tandis qu'à l'autre, il y avait un porc, suspendu à un rocher. Les chevaliers avaient alors organisé une course à pied entre les deux vieilles. Chacune avançait, escortée par un groupe de cavaliers qui lui obstruaient la route. A chaque pas qu'elles faisaient, elles tombaient puis se relevaient, au milieu des gros éclats de rire des spectateurs. A la fin, l'une des vieilles, arrivée la première, saisit le porc comme prix de sa victoire.
    Un émir aussi lettré et raffiné qu’Oussama ne peut apprécier ces gauloiseries. Mais sa moue condescendante se transforme en une grimace de dégoût quand il observe ce qu'est la justice des Franj.
A Naplouse, raconte-t-il, j'eus l'occasion d'assister à un curieux spectacle. Deux hommes devaient s'affronter en combat singulier. Le motif était le suivant : des brigands parmi les musulmans avaient envahi un village voisin, et un cultivateur était soupçonné de leur avoir servi de guide. Il s'était enfui, mais avait dû revenir bientôt car le roi Foulque avait fait emprisonner ses enfants. « Traite-moi avec équité, lui avait demandé le cultivateur, et permets que je me mesure à celui qui m'a accusé. » Le roi avait dit alors au seigneur qui avait reçu en fief le village : « Fais venir l'adversaire. » Le seigneur avait choisi un forgeron qui travaillait au village en lui disant : « C'est toi qui iras te battre en duel. » Le possesseur du fief ne voulait surtout pas que l'un de ses paysans aille se faire tuer, de peur que ses cultures n'en souffrent. Je vis donc ce forgeron. C'était un jeune homme fort, mais qui, en marchant ou en s'asseyant, avait toujours envie de réclamer quelque chose à boire. Quant à l’accusé, c’était un vieillard courageux qui faisait claquer ses doigts en signe de défi. Le vicomte, gouverneur de Naplouse, s'approcha, donna à chacun une lance et un bouclier et fit ranger tout autour les

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