Les croisades vues par les arabes
conclut à la hâte une trêve avec son vieil ennemi et se retourne contre les Franj, décidé à aller assiéger leur plus puissante forteresse de la région, Baarin. Inquiets, les chevaliers de Tripoli appellent à leur rescousse le roi Foulque, qui accourt avec son armée. Et c'est sous les murs de Baarin, dans une vallée cultivée en terrasses, qu'a donc lieu la première bataille importante entre Zinki et les Franj, ce qui peut étonner quand on sait que l'atabek est déjà maître d'Alep depuis plus de neuf ans!
Le combat sera court mais décisif. En quelques heures, les Occidentaux, épuisés par une longue marche forcée, sont écrasés sous le nombre et taillés en pièces. Seuls le roi et quelques hommes de sa suite parviennent à se réfugier dans la forteresse. Foulque n'a que le temps d'envoyer un messager à Jérusalem pour qu'on vienne le délivrer, puis, racontera Ibn al-Athir, Zinki coupa toutes les communications, ne laissant filtrer aucune nouvelle, si bien que les assiégés ne savaient plus ce qui se passait dans leur pays tant le contrôle des routes était strict.
Un tel blocus aurait été sans effet sur des Arabes. Ceux-ci utilisaient depuis des siècles la technique des pigeons voyageurs pour communiquer d'une ville à l'autre. Chaque armée en campagne emportait avec elle des pigeons appartenant à plusieurs villes et places fortes musulmanes. On les avait dressés de manière qu'ils reviennent toujours à leur nid d'origine. Il suffisait donc d'enrouler un message autour d'une de leurs pattes et de les lâcher pour qu'ils aillent, plus vite que le plus rapide des coursiers, annoncer la victoire, la défaite ou la mort d'un prince, demander de l'aide ou encourager à la résistance une garnison assiégée. Au fur et à mesure que la mobilisation arabe contre les Franj s'organise, des services réguliers de pigeons voyageurs se mettent à fonctionner entre Damas, Le Caire, Alep et d'autres villes, l'Etat octroyant même des salaires aux personnes chargées d'élever et de dresser ces volatiles.
C'est d'ailleurs au cours de leur présence en Orient que les Franj s'initieront à la colombophilie, qui plus tard connaîtra une grande vogue dans leur pays. Mais, au moment du siège de Baarin, ils ignorent encore tout de cette méthode de communication, ce qui permet à Zinki d'en profiter. L’atabek, qui commence par accentuer sa pression sur les assiégés, leur offre, en effet, après une âpre négociation, des conditions de reddition avantageuses : livraison de la forteresse et paiement de cinquante mille dinars. En échange de quoi il acceptera de les laisser partir en paix. Foulque et ses hommes capitulent, puis s'enfuient à bride abattue, heureux de s'en être tirés à si bon compte. Peu après avoir quitté Baarin, ils rencontrèrent les gros renforts qui venaient à leur aide et ils se repentirent, mais un peu tard, de s'être rendus . Cela n'avait été possible , selon Ibn al-Athir, que parce que les Franj étaient restés totalement coupés du monde extérieur.
Zinki est d'autant plus satisfait d'avoir réglé à son avantage l'affaire de Baarin qu'il vient de recevoir des nouvelles particulièrement alarmantes : l'empereur byzantin Jean Comnène, qui a succédé en 1118 à son père Alexis, est en route vers la Syrie du Nord avec des dizaines de milliers d'hommes. Dès que Foulque s'éloigne, l'atabek saute sur son cheval et galope vers Alep. Cible privilégiée des Roum par le passé, la ville est en effervescence. En prévision d'une attaque, on a commencé à vider, tout autour des murs, les fossés où la population a, en temps de paix, la.mauvaise habitude de jeter ses ordures. Mais bientôt des émissaires du basileus viennent rassurer Zinki : leur objectif n'est nullement Alep mais Antioche, la cité franque que les Roum n'ont jamais cessé de revendiquer. De fait. l'atabek apprend bientôt, non sans satisfaction, qu'elle est déjà en état de siège et bombardée par les catapultes. Laissant les chrétiens à leurs disputes, Zinki s'en retourne assiéger Homs, où Ounar continue à lui tenir tête.
Cependant Roum et Franj se réconcilient plus vite que prévu. Pour calmer le basileus, les Occidentaux lui promettent de lui rendre Antioche, Jean Comnène s'engageant à leur livrer, en échange, plusieurs villes musulmanes de Syrie. Ce qui déclenche, en mars 1138, une nouvelle guerre de conquête. L'empereur a pour lieutenants deux chefs francs, le nouveau comte
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