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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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médecin. Et, saisissant un rasoir, il lui fit une incision en forme de croix, fit apparaître l'os de la tête et le frotta avec du sel. La femme mourut sur-le-champ. Je demandai alors ; « Vous n'avez plus besoin de moi? ». Ils me dirent que non, et je m'en revins après avoir appris sur la médecine des Franj bien des choses que j'ignorais.
    Scandalisé par l'ignorance des Occidentaux, Oussama l'est bien plus encore par leurs mœurs : « Les Franj, s'écrie-t-il, n'ont pas le sens de l'honneur! Si l'un d'eux sort dans la rue avec son épouse et rencontre un autre homme, celui-ci prend la main de la femme, la tire à. part pour lui parler, tandis que le mari s'écarte en attendant qu'elle ait fini la conversation. Si cela dure trop longtemps, il la laisse avec son interlocuteur et s’en_ va! ». L'émir est troublé : « Pensez un peu à cette contradiction. Ces gens-là n'ont ni jalousie ni sens de l'honneur, alors qu'ils ont tant de courage! Le courage ne provient pourtant que du sens de l'honneur et du mépris pour ce qui est mal! ». 
    Plus il en apprend sur leur compte, plus Oussama se fait une piètre idée des Occidentaux. Il n'admire chez eux que les qualités guerrières. On comprend dès lors que le jour où l'un des « amis » qu'il s'est faits parmi eux, un chevalier de l'armée du roi Foulque, lui propose d'emmener son jeune fils en Europe pour l'initier aux règles de la chevalerie, l'émir décline poliment l'invitation, se disant tout bas qu'il préférerait que son fils aille « en prison plutôt qu'au pays des Franj ». La fraternisation avec ces étrangers a des limites. D'ailleurs, cette fameuse collaboration entre Damas et Jérusalem, qui a fourni à Oussama l'occasion inespérée de mieux connaître les Occidentaux, apparaîtra vite comme un court intermède. Un événement spectaculaire va bientôt relancer la guerre à outrance contre l'occupant : le samedi 23 décembre 1144, la ville d'Edesse, capitale du plus ancien des quatre Etats francs d'Orient, est tombée aux mains de l'atabek Imadeddin Zinki.
    Si la chute de Jérusalem en juillet 1099 a marqué l'aboutissement de l'invasion franque, et celle de Tyr en juillet 1124 l'achèvement de la phase d'occupation, la reconquête d'Edesse restera dans l'Histoire comme le couronnement de la riposte arabe aux envahisseurs et comme le début de la longue marche vers la victoire. 
    Personne ne prévoyait que l'occupation allait être remise en cause d'une manière aussi éclatante. Il est vrai qu'Edesse n'était qu'un avant-poste de la présence franque, mais ses comtes avaient réussi à s'intégrer pleinement au jeu politique local, le dernier maître occidental de cette cité à majorité arménienne étant Jocelin II, un petit barbu au nez proéminent, aux yeux exorbités, au corps disproportionné, qui n'avait jamais brillé par son courage ni par sa sagesse. Mais ses sujets ne le détestaient pas, surtout parce qu'il était de mère arménienne, et la situation de son domaine ne semblait nullement critique. Il échangeait avec ses voisins des razzias de routine qui se terminaient habituellement par des trêves. 
    Mais, brusquement, en cet automne de 1144, la situation change. Par une habile manœuvre militaire, Zinki met fin à un demi-siècle de domination franque dans cette partie de l’Orient, remportant une victoire qui va secouer les puissants et les humbles, de la Perse au lointain pays des « Alman », préludant à une nouvelle invasion conduite par les plus grands rois des Franj. 
    Le récit le plus émouvant de la conquête d'Edesse est celui que nous en a fait un témoin oculaire, l'évêque syrien Aboul-Faraj Basile, qui s'est trouvé directement mêlé aux événements. Son attitude pendant la bataille illustre bien le drame des communautés chrétiennes orientales auxquelles il appartient. Sa ville ayant été attaquée, Aboul-Faraj participe activement à sa défense, mais en même temps ses sympathies vont davantage à l'armée musulmane qu'à ses « protecteurs » occidentaux, qu'il ne tient pas en très haute estime.
Le comte Jocelin, raconte-t-il, était parti rapiner sur les rives de l'Euphrate. Zinki l’apprit. Le 30 novembre, il était sous les murs d'Edesse. Ses troupes étaient nombreuses comme les étoiles du ciel. Toutes les terres qui entourent la ville en furent remplies. Des tentes furent dressées partout, et l’atabek plaça la sienne au nord de la cité, en face de la porte des Heures, sur une colline

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