Les croisades vues par les arabes
qui dominait l'église des Confesseurs.
Bien que située dans une vallée, Edesse était difficile à. prendre, car sa puissante enceinte triangulaire se trouvait solidement imbriquée dans les collines environnantes. Mais, explique Aboul Faraj, Jocelin n'avait laissé aucune troupe. Il n'y avait que des Cordonniers, des tisserands, des marchands de soieries, des tailleurs, des prêtres. La défense sera donc assurée par l'évêque franc de la ville, assisté d'un prélat arménien ainsi que du chroniqueur lui-même, pourtant favorable à un arrangement avec l’atabek.
Zinki, raconte-t-iI, adressait constamment aux assiégés des propositions de paix, leur disant : « O malheureux! Vous voyez que tout espoir est perdu. Que voulez-vous? Qu'attendez-vous ? Ayez pitié de vous-mêmes, de vos fils, de vos femmes, de vos maisons! Faites que votre cité ne soit pas dévastée et privée d'habitants! ». Mais il n'y avait dans la ville aucun chef capable d'imposer sa volonté. On répondait sottement à Zinki par des rodomontades et des injures.
Voyant que les sapeurs commencent à creuser des mines sous les remparts, Aboul-Faraj suggère d'écrire une lettre à. Zinki pour proposer une trêve, à quoi l'évêque franc donne son accord. « On écrivit la lettre et on la lut au peuple, mais un homme insensé, un marchand de soie, tendit la main, arracha la lettre et la déchira. » Pourtant, Zinki ne cessait de répéter : « Si vous désirez une trêve de quelques jours, nous vous l'accorderons pour voir si vous obtiendrez de l'aide. Sinon, rendez-vous et vivez! ».
Mais aucun secours n'arrive. Bien qu'averti assez tôt de l'offensive contre sa capitale, Jocelin n'ose pas se mesurer aux forces de Patabek. Il préfère s'installer à Tell Bacher en attendant que des troupes d'Antioche ou de Jérusalem viennent à son aide.
Les Turcs avaient maintenant arraché les fondements du mur septentrional et, à leur place, ils avaient mis du bois, des poutres, des troncs en quantité. Ils avaient rempli les interstices de naphte, de graisse et de soufre pour que le brasier s'enflamme plus facilement et que le mur s'écroule. Alors, sur l'ordre de Zinki, on mit le feu. Les hérauts de son camp crièrent de se préparer au combat, appelant les soldats à s'introduire par la brèche dès que le mur serait tombé en leur promettant de leur abandonner la ville au pillage pendant trois jours. Le feu prit dans le naphte et le soufre et enflamma le bois et la graisse fondue. Le vent soufflait du nord et portait la fumée vers les défenseurs. Malgré sa solidité, le mur chancela puis s'écroula. Après avoir perdu beaucoup des leurs sur la brèche, les Turcs pénétrèrent dans la ville et se mirent à massacrer les gens sans distinction. Ce jour-là, environ six mille habitants périrent. Les femmes, les enfants et les jeunes gens se précipitérent vers la citadelle haute pour échapper au massacre. Ils trouvèrent la porte fermée par la faute de l'évêque des Franj qui avait dit aux gardes : « Si vous ne voyez pas mon visage, n'ouvrez pas la porte! ». Ainsi les groupes montaient les uns après les autres et se piétinaient. Spectacle lamentable et horrifiant : bousculées, étouffées, devenues comme une seule masse compacte, environ cinq mille personnes, et peut-être plus, périrent atrocement.
C'est pourtant Zinki qui va intervenir personnellement pour arrêter la tuerie, avant de dépêcher son principal lieutenant auprès d'Aboul-Faraj. « Vénérable, dit-il, nous désirons que tu nous jures, sur la Croix et l'Evangile, que toi et ta communauté nous demeurerez fidèles. Tu sais très bien que cette ville, pendant les deux cents ans où les Arabes l'ont gouvernée, a été florissante comme une métropole. Aujourd'hui, il y a cinquante ans que les Franj l'occupent, et ils l'ont déjà ruinée. Notre maître Imadeddin Zinki est disposé à bien vous traiter. Vivez en paix, soyez en sécurité sous son autorité et priez pour sa vie. »
De fait. poursuit Aboul-Faraj, on fit sortir de la citadelle les Syriens et les Arméniens, et chacun d'eux rentra chez lui sans être inquiété. Aux Franj, par contre, on enleva tout ce qu'ils avaient avec eux, l'or, l'argent, les vases sacrés, les calices, les patènes, les croix omementées et quantité de bijoux. On mit à part les prêtres, les nobles et les notables; on les dépouilla de leurs vêtements avant de les envoyer, enchaînés, a Alep. Parmi le reste, on prit les
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