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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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d'Edesse, Jocelin II, et un chevalier du nom de Raymond, qui vient de prendre en main la principauté d'Antioche en épousant Constance, une enfant de huit ans, la fille de Bohémond II et d'Alix. 
    En avril, les alliés entreprennent d'assiéger Chayzar, mettant en batterie dix-huit catapultes et mangonneaux. Le vieil émir Soultan Ibn Mounqidh, déjà gouverneur de la cité avant le début de l'invasion franque, ne semble nullement en mesure de faire face aux forces jointes des Roum et des Franj. Selon Ibn al-Athir, les alliés auraient choisi pour cible Chayzar parce qu'ils espéraient que Zinki ne se préoccuperait pas de défendre avec ardeur une ville qui ne lui appartenait pas. C'était mal le connaître. Le Turc organise et dirige lui-même la résistance. La bataille de Chayzar sera pour lui l'occasion de déployer, plus que jamais, ses admirables qualités d'homme d’Etat. 
    En quelques semaines, il bouleverse tout l'Orient. Après avoir envoyé des messagers en Anatolie, qui parviennent à convaincre les successeurs de Danishmend d'attaquer le territoire byzantin, il dépêche à Baghdad des agitateurs qui y organisent une émeute semblable à celle qu'Ibn al-Khachab avait provoquée en 1111, forçant ainsi le sultan Massoud à dépêcher des troupes vers Chayzar. A tous les émirs de Syrie et de la Jézira, il écrit, leur enjoignant, menaces à l'appui, d'engager toutes leurs forces pour repousser la nouvelle invasion. L'armée de l’atabek lui-même, bien moins nombreuse que celle de l'adversaire, renonçant à une attaque de front, entreprend une tactique de harcèlement, tandis que Zinki entretient une intense correspondance avec le basileus et les chefs francs. Il « informe » l'empereur - ce qui est d'ailleurs exact - que ses alliés le craignent et attendent avec impatience son départ de Syrie. Aux Franj il envoie des messages, notamment à Jocelin d'Edesse, et Raymond d'Antioche : Ne comprenez-vous pas, leur dit-il, que, si les Roum occupaient une seule place forte de Syrie, ils s’empareraient bientôt de toutes vos villes? Auprès des simples combattants byzantins et francs, il dépêche nombre d'agents, pour la plupart des chrétiens de Syrie, ayant pour tâche de propager des rumeurs démoralisantes quant à l'approche de gigantesques armées de secours venant de Perse, d'Irak et d'Anatolie. 
    Cette propagande porte ses fruits, surtout chez les Franj. Tandis que le basileus, vêtu de son casque d'or, dirige personnellement le tir des catapultes, les seigneurs d’Edesse et d'Antioche, assis sous une tente, se livrent à d'interminables parties de dés. Ce jeu, déjà connu dans l’Egypte pharaonique, est, au xii° siècle, aussi répandu en Orient qu'en Occident. Les Arabes l'appellent « az-zahr », un mot que les Franj adopteront pour désigner non pas le jeu lui-même, mais la chance, le « hasard ». 
    Ces parties de dés des princes francs exaspèrent le basileus Jean Comnène qui, découragé par la mauvaise volonté de ses alliés et alarmé par ces rumeurs persistantes sur l'arrivée d'une puissante armée de secours musulmane - elle n'a en réalité jamais quitté Baghdad -, lève, le siège de Chayzar et repart le 21 mai 1138 pour Antioche où il fait son entrée à cheval, se faisant suivre à pied de Raymond et Jocelin, les traitant comme ses écuyers. 
    Pour Zinki, c'est une immense victoire. Dans le monde arabe où l'alliance des Roum et des Franj avait causé une intense frayeur, l'atabek apparaît désormais comme un sauveur. Bien entendu, il est résolu à utiliser son prestige pour régler sans délai quelques problèmes qui lui tiennent à cœur, et d'abord celui de Homs. Fin mai, alors que la bataille de Chayzar est à peine terminée, Zinki passe un curieux accord avec Damas : il épousera la princesse Zomorrod et obtiendra Homs en guise de dot. La mère meurtrière de son fils arrive en cortège, trois mois plus tard, sous les murs de Homs, pour s'unir solennellement à son nouveau mari. Assistent à la cérémonie des représentants du sultan, du calife de Baghdad et de celui du Caire, et même des ambassadeurs de l'empereur des Roum qui, tirant les leçons de ses déboires, a décidé d'entretenir désormais les rapports les plus amicaux avec Zinki.
    Maître de Mossoul, d’Alep et de l'ensemble de la Syrie centrale, l'atabek se fixe pour objectif de s'emparer de Damas avec l'aide de sa nouvelle femme. Il espère que celle-ci parviendra à convaincre son

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