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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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mobilisation psychologique, il met en place un véritable appareilde propagande. Plusieurs centaines de lettrés, hommes de religion pour la plupart, vont avoir pour mission de lui gagner la sympathie agissante du peuple et de forcer ainsi les dirigeants du monde arabe à se ranger sous sa bannière. Ibn al-Athir rapportera les plaintes d'un émir de la Jézira qui a été « invité » un jour par le fils de Zinki à participer à une campagne contre les Franj.
Si je ne me porte pas au secours de Noureddin, dit-il, il m'enlèvera mon domaine, car il a déjà écrit aux dévots et aux ascètes pour leur demander l'aide de leurs prières et les encourager à inciter les musulmans au jihad. A l'heure qu'il est, chacun de ces hommes est assis avec ses disciples et ses compagnons, en train de lire les lettres de Noureddin, de pleurer et de me maudire. Si je veux éviter l'anathème, je dois consentir à sa demande.
    Noureddin supervise d'ailleurs lui-même son appareil de propagande. Il commande des poèmes, des lettres, des livres et veille à leur diffusion au moment choisi pour produire l'effet voulu. Les principes qu'il prône sont simples : une seule religion, l'islam sunnite, ce qui implique une lutte acharnée contre toutes les « hérésies »; un seul Etat, pour encercler les Franj de toutes parts; un seul objectif, le jihad, pour reconquérir les territoires occupés et surtout libérer Jérusalem. Au cours de ses vingt-huit années de règne, Noureddin incitera plusieurs ulémas à écrire des traités vantant les mérites de la Ville sainte, al-Quds, et des séances publiques de lecture seront organisées dans les mosquées et les écoles. 
    Nul n'oublie, dans ces occasions, de faire l'éloge du moujahid suprême, du musulman irréprochable qu'est Noureddin. Mais ce culte de la personnalité est d'autant plus habile et efficace qu'il est fondé paradoxalement sur l'humilité et l'austérité du fils de Zinki. Selon Ibn al-Athir :
La femme de Noureddin se plaignit une fois de ne pas avoir suffisamment d'argent pour subvenir à ses besoins. Il lui assigna trois boutiques qu'il possédait en propre à Homs et qui rapportaient une vingtaine de dinars par an. Comme elle trouvait que ce n'était pas assez, il lui rétorqua : « Je n'ai rien d'autre. Pour tout l'argent dont je dispose, je ne suis que le trésorier des musulmans, et je n'ai pas l'intention de les trahir ni de me jeter dans le feu de l'enfer à cause de toi. »
    Largement diffusés, de tels propos se révèlent particulièremcnt embarrassants pour les princes de la région qui vivent dans le luxe et pressurent leurs sujets pour leur arracher leurs moindres économies. De fait, la propagande de Noureddin met constamment l'accent sur ces suppressions d'impôts qu'il pratique de manière générale dans les pays soumis à son autorité. 
    Embarrassant pour ses adversaires, le fils de Zinki l'est souvent aussi pour ses propres émirs. Avec le temps, il deviendra de plus en plus strict quant au respect des préceptes religieux. Non content de s'interdire l'alcool à lui-même, il l'interdira totalement à son armée, « ainsi que le tambourin, la flûte et d'autres objets qui déplaisent à Dieu », précise Kamaleddin, le chroniqueur d'Alep, qui ajoute : « Noureddin quitta tout vêtement luxueux pour se couvrir d'étoffes rugueuses. » Bien entendu, les officiers turcs, habitués a la boisson et aux parures somptueuses, ne se sentiront pas toujours très à l'aise avec ce maître qui sourit rarement et préfère à toute autre la compagnie des ulémas en turban. 
    Encore moins réconfortante pour les émirs est cette tendance qu'a le fils de Zinki à renoncer à son titre de Noureddin « lumière de la religion » pour son nom personnel, Mahmoud. « Mon Dieu, priait-il avant les batailles, donne la victoire à l'islam et non à Mahmoud. Qui est le chien Mahmoud pour mériter la victoire? » De telles démonstrations d'humilité lui attireront la sympathie des faibles et des gens pieux, mais les puiss‘ants n'hésiteront pas à le taxer d'hypocrisie. Il semble bien toutefois que ses convictions étaient sincères, même si son image extérieure était en partie composée. En tout état de cause, le résultat est là : c'est Noureddin qui fera du monde arabe une force capable d'écraser les Franj, et c'est son lieutenant Saladin qui cueillera les fruits de la victoire.
    A la mort de son père, Noureddin réussit à s'imposer à Alep, ce qui est peu de

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