Les croisades vues par les arabes
livre la ville, et vous le regretterez . Avec les autres, les « colons », il utilise un langage différent : Etes-vous devenus assez fous pour aider ces gens-là contre nous? N'avez-vous pas compris que s'ils l'emportent à Damas, ils chercheront à vous arracher vos propres cités ? Quant à moi, si je ne parviens pas à défendre la ville, je la livrerai à Saifeddin, et vous savez bien que, s'il prend Damas, vous ne pourrez plus vous maintenir en Syrie .
Le succès de la manœuvre d'Ounar est immédiat. Parvenu à un accord secret avec les Franj locaux qui entreprennent de convaincre le roi des Allemands de s'éloigner de Damas avant que les armées de renfort n'arrivent, il distribue, pour assurer le succès de ses intrigues diplomatiques, d'importants pots-de-vin, tout en semant, dans les vergers qui entourent sa capitale, des centaines de francs-tireurs qui s’embusquent et harcèlent les Franj. Dès le lundi soir, les dissensions suscitées par le vieux Turc commencent à produire leur effet. Les assiégeants qui, brusquement démoralisés, ont décidé d'opérer un recul tactique pour regrouper leurs forces, se retrouvent, harcelés par les Damascains, dans une plaine ouverte de tous côtés, sans le moindre oint d'eau à leur disposition. Au bout de quelques heures, leur situation devient si intenable que leurs rois ne songent plus à prendre la métropole syrienne mais à sauver leurs troupes et leurs personnes de l'anéantissement. Le mardi matin, les armées franques refluent déjà vers Jérusalem, poursuivies par les hommes de Moinuddin.
Décidément, les Franj ne sont plus ce qu'ils étaient. L’incurie des dirigeants et la désunion des chefs militaires ne sont plus, semble-t-il, le triste privilège des Arabes. Les Damascains en sont stupéfaits :est-il possible que la puissante expédition franque qui fait trembler l'Orient depuis des mois se retrouve en pleine décomposition, après moins de quatre jours de combat? On pensa qu'ils préparaient une ruse , dit Ibn al-Qalanissi. Il n'en est rien. La nouvelle invasion franque est bel et bien finie. Les Franj allemands , dira Ibn al-Athir, retournèrent dans leur pays qui se trouve là- bas, derrière Constantinople, et Dieu débarrassa les croyants de cette calamité .
La surprenante victoire d'Ounar va rehausser son prestige et faire oublier ses compromissions passées avec les envahisseurs. Mais Moinuddin vit les derniers jours de sa carrière. Il meurt un an après la bataille. Un jour qu'il avait mangé copieusement comme à son habitude, il fut pris d'un malaise. On apprit qu'il était atteint de la dysenterie. C'est, précise Ibn al-Qalanissi, une maladie redoutable dont on réchappe rarement .
Et, à sa mort, le pouvoir échoit au souverain nominal de la cité, Abaq, descendant de Toghtekin, un jeune homme de seize ans, sans grande intelligence, qui ne parviendra jamais à voler de ses propres ailes.
Le véritable gagnant de la bataille de Damas est incontestablement Noureddin. En juin 1149, il réussit à écraser l'armée du prince d’Antioche, Raymond, que Chirkouh, l'oncle de Saladin, tue de ses propres mains. Ce dernier lui coupe la tête et la porte à son maître qui, selon l'usage, l'envoie au calife de Baghdad dans un coffret en argent. Ayant ainsi écarté toute menace franque en Syrie du Nord, le fils de Zinki a les mains libres pour consacrer désormais tous ses efforts à la réalisation du vieux rêve paternel : la conquête de Damas. En 1140, la cite avait préféré s'allier aux Franj plutôt que de se soumettre au joug brutal de Zinki. Mais les choses ont changé. Moinuddin n'est plus là, le comportement des Occidentaux a ébranlé leurs plus chauds partisans et, surtout, la réputation de Noureddin ne ressemble guère à celle de son père. Il ne veut pas violer la fière cité des Omayyades, mais la séduire.
En atteignant, à la tête de ses troupes, les vergers qui entourent la ville, il se préoccupe davantage de gagner la sympathie de la population que de préparer un assaut. Noureddin , raconte Ibn al-Qalanissi, se montra bienveillant envers les paysans et leur rendit sa présence légère; partout on pria Dieu en sa faveur, a Damas et dans ses dépendances. Quand, peu après son arrivée, des pluies abondantes viennent mettre fin à une longue période de sécheresse, les gens lui en attribuent le mérite. « C'est grâce à lui, dirent-ils, à sa justice et a sa conduite exemplaire. »
Bien
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