Les croisades vues par les arabes
scrupules, chaque fois qu'il présente son interprétation personnelle d'un événement il prend soin de conclure par « Allahou aalam », « Dieu seul sait ».
Quel que soit le nombre exact des nouveaux envahisseurs francs, il est certain que leurs forces, ajoutées à celles de Jérusalem, d'Antioche et de Tripoli, ont de quoi inquiéter le monde arabe, qui observe leurs mouvements avec effroi. Une question revient inlassablement : quelle est la ville qu'ils vont attaquer en premier? En toute logique, ils devraient commencer par Edesse. N'est-ce pas pour venger sa chute qu'ils sont venus ? Mais ils pourraient tout aussi bien s'en prendre à Alep, frappant ainsi à sa tête la puissance montante de Noureddin, de manière qu'Edesse tombe ensuite d'elle-même. En fait, ce ne sera ni l'une ni l'autre. Après de longues disputes entre leurs rois , dit Ibn al-Qalanissi, ils finirent par convenir entre eux d'attaquer Damas, et ils sont tellement sûrs de s'en emparer qu'ils s'entendent d'emblée sur le partage de ses dépendances .
Attaquer Damas? Attaquer la ville de Moinuddin Ounar, le seul dirigeant musulman à avoir un traité d'alliance avec Jérusalem? Les Franj ne pouvaient rendre meilleur service à la résistance arabe! Rétrospectivement il semble pourtant que les puissants rois qui commandaient à ces armées de Franj aient jugé que seule la conquête d'une ville prestigieuse comme Damas justifiait leur déplacement jusqu'en Orient. Les chroniqueurs arabes parlent essentiellement de Conrad, roi des Allemands, ne faisant jamais la moindre mention de la présence du roi de France, Louis VII, un personnage, il est vrai, sans grande envergure.
Dès qu'il eut des renseignements sur les desseins des Franj, raconte Ibn al-Oalanissi, l'émir Moinuddin commença ses préparatifs pour faire échec à leur malfaisance. Il fortifia tous les lieux où une attaque était à redouter, disposa des soldats sur les routes, combla les puits et détruisit les points d'eau dans les environs de la cité.
Le 24 juillet 1148, les troupes des Franj arrivent devant Damas, suivies de véritables colonnes de chameaux chargés de leurs bagages. Les Damascains sortent de leur ville par centaines pour affronter les envahisseurs. Parmi eux se trouve un très vieux théologien d'origine maghrébine, al-Findalawi.
En le voyant avancer à pied, Moinuddin s'approcha de lui, racontera Ibn aI-Athir, le salua et lui dit : « O vénérable vieillard, ton âge avancé te dispense de te battre. C'est à nous qu'il appartient de défendre les musulmans. » Il lui demanda de revenir sur ses pas, mais al-Findalawi refusa en disant : « Je me suis vendu et Dieu m'a acheté. » Il se référait ainsi aux paroles du Très-Haut : « Dieu a acheté aux croyants leurs personnes et leurs biens pour leur donner le paradis en échange. »
Al-Findalawi marcha de l'avant et combattit les Franj jusqu'au moment où il tomba sous leurs coups.
Ce martyre est bientôt suivi de celui d'un autre ascète, un réfugié palestinien du nom d'al-Halhouli. Mais en dépit de ces actes héroïques la progression des Franj ne peut être enrayée. Il se sont répandus dans la plaine de la Ghouta et y ont dressé leurs tentes, s'approchant même en plusieurs points des murailles. Au soir de cette première journée de combat, les Damasains, craignant le pire, commencent à élever des barricades dans les rues.
Le lendemain 25 juillet, c'était un dimanche , relate Ibn al-Qalanissi, et les habitants effectuèrent des sorties dès l'aube. Le combat ne cessa qu'à la tombée du jour, lorsque tout le monde fut épuisé. Chacun revint alors vers ses positions. L'armée de Damas passa la nuit en face des Franj, et les citadins restèrent sur les murs à monter la garde et à surveiller, car ils voyaient l'ennemi tout près d'eux .
Le lundi matin, les Damascains reprennent espoir, car ils voient venir par le nord des vagues successives de cavaliers turcs, kurdes et arabes. Ounar ayant écrit à tous les princes de la région pour leur demander des renforts, ceux-ci commencent à atteindre la ville assiégée. On annonce pour le lendemain la venue de Noureddin à la tête de l'armée d'Alep, ainsi que son frère Saifeddin avec celle de Mossoul. A leur approche, Moinuddin envoie, selon Ibn al-Athir, un message aux Franj étrangers et un autre aux Franj de Syrie . Avec les premiers, il utilise un langage simpliste : Le roi de l 'Orient arrive; si vous ne partez pas, je lui
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