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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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que la nature de ses ambitions soit évidente, le maître d’Alep refuse d'apparaître comme un conquérant.
Je ne suis pas venu camper en ce lieu dans l'intention de vous faire la guerre ou de vous assiéger, écrit-il dans une lettre aux dirigeants de Damas. Seules les nombreuses plaintes des musulmans m'ont incité à agir ainsi, car les paysans sont dépouillés de tous leurs biens et séparés de leurs enfants par les Franj, et ils n'ont personne pour les défendre. Etant donné la puissance que Dieu m'a confiée pour secourir les musulmans et faire la guerre aux infidèles, étant donné la quantité de richesses et d'hommes dont je dispose, il ne m'est pas permis de négliger les musulmans et de ne pas prendre leur défense. Surtout que je connais votre incapacité à protéger vos provinces et votre abaissement qui vous a conduits à demander du secours aux Franj et à leur livrer les biens de vos sujets les plus pauvres, que vous lésez criminellement. Voilà qui ne plaît ni à Dieu ni à aucun musulman!
    Cette lettre révèle toute la subtilité de la stratégie du nouveau maître d'Alep qui se pose en défenseur des Damascains, en particulier des plus déshérités d'entre eux, et tente visiblement de les soulever contre leurs maîtres. La réponse de ces derniers, par sa brusquerie, ne fait que rapprocher les citadins du fils de Zinki : « Entre toi et nous, il n'y a plus désormais que le sabre. Les Franj vont arriver pour nous aider à nous défendre. » 
    En dépit des sympathies qu’il s’est faites dans la population, Noureddin, préférant ne pas affronter les forces réunies de Jérusalem et de Damas, accepte de se retirer vers le nord; non sans avoir obtenu que, dans les mosquées, son nom soit cité dans les sermons juste après ceux du calife et du sultan, et que la monnaie soit frappée à son nom, une manifestation d'allégeance souvent utilisée par les villes musulmanes pour apaiser les conquérants. 
    Ce demi-succès, Noureddin le juge encourageant. Un an plus tard, il retourne avec ses troupes dans les parages de Damas, faisant parvenir une nouvelle lettre à Abaq et aux autres dirigeants de la cité : Je ne veux que le bien-être des musulmans, le jihad contre les infidèles et la délivrance des prisonniers qu'ils détiennent. Si vous vous rangez à mes côtés avec l'armée de Damas, si nous nous entraidons pour mener le jihad, mon vœu sera comblé. Pour toute réponse, Abaq fait de nouveau appel aux Franj, qui se présentent sous la conduite de leur jeune roi Baudouin III, fils de Foulque, et s'installent aux portes de Damas durant quelques semaines. Leurs chevaliers sont même autorisés à circuler dans les souks, ce qui ne manque pas de créer quelque tension avec la population de la ville qui n'a pas encore oublié ses enfants tombés trois ans plus tôt. 
    Noureddin, prudemment, continue à éviter tout affrontement avec les coalisés. Il éloigne ses troupes de Damas, attendant que les Franj retournent vers Jérusalem. Pour lui, la bataille est avant tout politique. Exploitant au mieux l'amertume des citadins, il fait parvenir quantité de messages aux notables damascains et aux hommes de religion pour dénoncer la trahison d'Abaq. Il entre même en contact avec de nombreux militaires que la collaboration ouverte avec les Franj exaspère. Pour le fils de Zinki, il ne s'agit plus seulement de susciter des protestations qui gêneront Abaq, mais d'organiser à l'intérieur de la ville convoitée un réseau de complicités pouvant amener Damas à capituler. C'est le père de Saladin qu'il charge de cette mission délicate. En 1153, après un habile travail d'organisation, Ayyoub parvient en effet à s'assurer de la neutralité bienveillante de la milice urbaine, dont le commandant est un jeune frère d'Ibn al-Qalanissi. Plusieurs personnages de l'armée adoptent la même attitude, ce qui de jour en jour renforce l'isolement d'Abaq. Il ne reste à ce dernier qu'un petit groupe d'émirs qui l‘encouragent encore à tenir tête. Décidé à se débarrasser de ces derniers irréductibles, Noureddin fait parvenir au maître de Damas de faux renseignements faisant état d'un complot qu'ourdirait son entourage. Sans trop chercher a en vérifier le bien-fondé, Abaq s'empresse d'exécuter ou d'emprisonner plusieurs de ses collaborateurs. Son isolement est désormais total. 
    Dernière opération : Noureddin intercepte subitement tous les convois de vivres qui se dirigent vers

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