Les croisades vues par les arabes
Roum et leurs mercenaires ainsi que de la menacequi pèse sur tous les musulmans d'Asie Mineure, et lui proposer de cesser les hostilités. Avant même que Danishmend ne donne sa réponse, le sultan a dépêché une partie de son armée vers la capitale.
De fait, une trêve est conclue au bout de quelques jours, et Kilij Arslan prend sans tarder le chemin de l'ouest. Mais, au moment ou il atteint les hauteurs proches de Nicée, le spectacle qui s'offre à ses yeux lui glace le sang dans les veines. La superbe cité que lui a léguée son père est encerclée de toutes parts; une multitude de soldats sont là, s'affairant à mettre en place tours mobiles, catapultes et mangonneaux qui doivent servir pour l'assaut final. Les émirs sont formels : il n'y a plus rien à faire. Il faut se replier vers l'intérieur du pays avant qu'il ne soit trop tard. Le jeune sultan n'arrive pourtant pas à se résigner à abandonner ainsi sa capitale. Il insiste pour tenter une dernière percée au sud, là où les assiégeants semblent le moins solidement retranchés. La bataille est engagée le 21 mai à l'aube. Kilij Arslan se jette avec fureur dans la mêlée, et le combat fait rage jusqu'à la tombée du jour. Les pertes sont aussi lourdes des deux côtés, mais chacun a conservé ses positions. Le sultan n'insiste pas. Il a compris que rien ne lui permettra plus de desserrer l'étau. S‘entêter à lancer toutes ses forces dans une bataille si mal engagée pourrait prolonger le siège de quelques semaines, voire de quelques mois, mais risquerait de mettre en jeu l'existence même du Sultanat. Issu d'un peuple essentiellement nomade, Kilij Arslan sait que la source de son pouvoir réside dans les quelques milliers de guerriers qui lui obéissent, non dans la possession d'une ville, si attachante soit-elle. Il aura d'ailleurs bientôt choisi pour nouvelle capitale la ville de Konya, nettement plus à l'est, que ses descendants vont garder jusqu'au début du xiv° siècle. Il ne reverra plus jamais Nicée...
Avant de s'éloigner, il envoie un message d'adieu aux défenseurs de la ville pour les avertir de sa douloureuse décision et leur recommander d'agir « conformément à leurs intérêts ». La signification de ces mots est claire, aussi bien pour la garnison turque que pour la population grecque : il faut livrer la ville à Alexis Comnène et non à ses auxiliaires francs. Des négociations s'engagent donc avec le basileus qui, à la tête de ses troupes, a pris position à l'ouest de Nicée. Les hommes du sultan essaient de gagner du temps, espérant sans doute que leur maître pourra revenir avec des renforts. Mais Alexis est pressé : les Occidentaux, menace-t-il, s'apprêtent à donner l'assaut final, et alors il ne répondra plus de rien. Se souvenant des agissements des Franj l'année précédente aux environs de Nicée, les négociateurs sont terrorisés. Ils voient déjà leur ville pillée, les hommes massacrés, les femmes violées. Sans plus hésiter, ils acceptent de remettre leur sort entre les mains du basileus, qui fixe lui-même les modalités de la reddition.
Dans la nuit du 18 au 19 juin, des soldats de l'armée byzantine, turcs pour la plupart, sont introduits dans la cité au moyen de barques qui traversent en silence le lac Ascanios : la garnison capitule sans combat. Aux premières lueurs du jour, les bannières bleu et or de l'empereur flottent déjà sur les murailles. Les Franj renoncent à donner l'assaut. Dans son infortune, Kilij Arslan recevra ainsi une consolation : les dignitaires du sultanat seront épargnés et la jeune sultane, accompagnée de son nouveau-né, sera même reçue à Constantinople avec les honneurs royaux, au plus grand scandale des Franj.
La jeune femme de Kilij Arslan est la fille de Tchaka, un aventurier de génie, un émir turc fort célèbre à la veille de l'invasion franque. Emprisonné par les Roum tandis qu'il effectuait une razzia en Asie Mineure, il avait impressionné ses geôliers par sa facilité à apprendre le grec, qu'au bout de quelques mois il parlait à la perfection. Brillant, habile, beau parleur, il était devenu un visiteur régulier du palais impérial qui l'avait même gratifié d'un titre de noblesse. Mais cette étonnante promotion ne lui suffisait pas. Il visait plus haut, bien plus haut : il voulait devenir empereur de Byzance!
L’émir Tchaka avait à cet effet un plan fort cohérent. Ainsi, il était parti s'installer dans le port
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