Les Dames du Graal
précédé l’établissement des religions classiques tout en se projetant à travers ces religions. Mais, d’après les écrits – la plupart du temps fulminatoires – des Pères de l’Église, cette tradition est construite sur un schéma extrêmement simple : à l’aube des temps, un dieu mâle, cruel et jaloux, a usurpé le pouvoir, reléguant dans les ténèbres la divinité créatrice, qui ne peut être représentée que sous une forme féminine, maternelle. C’est dire que, dans l’optique des Gnostiques, Iaveh-Adonaï est un intrus qui s’arroge le droit exclusif d’être glorifié par tous les peuples du monde, au détriment d’une entité divine féminine et maternelle, image de la Déesse primordiale à laquelle on peut donner différents noms mais qu’on peut désigner sous celui de Pistis Sophia , la « Sagesse manifestée ».
Depuis l’usurpation du dieu mâle, le monde gémit sous le poids d’une malédiction, et la création a été détournée de son but. Gnostiques et Cathares sont d’accord pour dénoncer cette prise de pouvoir par la violence. Les Cathares vont même plus loin en supposant que tout ce qui est matière est création fallacieuse de Satan, ici considéré comme le Shatam hébraïque, le « destructeur », l’« esprit de négation » dont parle Gœthe à propos de Méphistophélès, mais non pas comme le Lucifer , le « porte-lumière », qui sera plus tard symbolisé par la planète Vénus, la Brillante, la mère de tous les dieux, celle à qui tout le Moyen-Orient a rendu hommage, notamment à Éphèse, sous diverses dénominations, dont celles d’Artémis, d’Aphrodite ou de Cybèle. Car le Porte-Lumière , abandonné de tous, prisonnier au fond d’une grotte envahie de ténèbres, attend avec impatience que ses enfants se réveillent de leur torpeur, abandonnent les fantasmes qui encombrent leur imaginaire, et viennent le délivrer de ses chaînes d’endormissement. C’est ce que disent, en tout cas, les innombrables sectes qui se prétendent « lucifériennes », et qui n’ont absolument rien en commun avec les sectes dites « sataniques ». Mais ce qu’oublient les « Lucifériens », c’est que Lucifer est une entité féminine : c’est la Pistis Sophia des Gnostiques, celle qui gémit dans sa prison ténébreuse et qui, libérée par ses enfants, recouvrera intégralement sa puissance et restituera le royaume de lumière un instant perturbé par l’ Archonte trompeur qu’est en réalité Iaveh-Adonaï, le dieu-lune des Sémites, celui que les Assyro-Babyloniens appelaient Sin et qui était honoré sur le Mont Sinaï .
Il semble bien que la Demoiselle Chauve soit une des manifestations de cette Pistis Sophia égarée en pleine mythologie celtique, revue et corrigée par des clercs anglo-normands stipendiés à la fois par les rois Plantagenêt et par les moines de Glastonbury, lesquels voulaient à toutes forces prouver que le site de leur abbaye était celui de la fabuleuse île d’Avalon. En effet, la calvitie – provisoire – de la cousine de Perceval est un signe : si elle perd ses cheveux, selon l’antique croyance actualisée par l’épisode biblique de Samson et Dalla, c’est qu’elle a perdu sa puissance et son rayonnement à la suite d’une faute commise par un de ses chevaliers servants.
Car, malgré quelques ressemblances de surface, la Demoiselle Chauve ne peut d’aucune façon être identifiée à Kundry la Sorcière, messagère du Graal, qui est la messagère venant annoncer au monde que Parzival a été désigné par une inscription sur la pierre « tombée du ciel » comme roi du Graal. Elle n’est pas seulement messagère, elle est détentrice . Le tout est de savoir exactement ce qu’elle détient. La réponse est simple : elle ne guide pas le héros vers la royauté du Graal, mais elle le réveille en l’obligeant à se lancer dans une quête impossible d’un objet, un récipient qu’on appelle Graal , et dont on ignore ce qu’il contient. En un sens, la Demoiselle Chauve, pleurant son mari (ou son ami) mort au combat, n’a de cesse de lui trouver un successeur qui puisse se lancer dans l’ultime conquête de ce qu’on appelle le Graal, c’est-à-dire la connaissance des secrets que, d’une façon ou d’une autre, il contient, et qui lui permettront de changer le monde. C’est d’ailleurs cette interprétation qui a retenu l’attention des pseudo-intellectuels du III e Reich et qui a
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