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Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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cet entretien un peu réconfortée, puisqu’elle a maintenant l’assurance que Lancelot n’a jamais oublié qu’elle était son seul et unique amour. Cependant, puisqu’on sait qu’il n’y a rien eu entre Lancelot et la Demoiselle d’Escalot, les accusations contre la reine et le meilleur chevalier du monde reprennent de plus belle. C’est encore un fil de plus à l’intrigue qui se développe et qui causera la ruine définitive de cette société idéale qu’est la Table Ronde et dont Lancelot est le plus ferme soutien {98} .
    Il n’empêche que la Demoiselle d’Escalot, touchante et innocente victime de l’amour, est le seul personnage féminin de tout le cycle qu’on puisse considérer comme d’une sincérité absolue. Cet épisode provoque un subit souffle d’air pur au milieu des intrigues amoureuses les plus obscures et les plus tortueuses qui enchaînent littéralement les découvreurs – ou apprentis découvreurs – du « saint » Graal, tous compagnons de la Table Ronde. Ces intrigues sont toujours plus ou moins choquantes et, de toute façon, en contradiction totale avec la morale chrétienne de l’époque. Mais il faut se rappeler que ces intrigues, développées à l’envi par les scripteurs , ne sont que des représentations concrètes de problèmes éternels qui non seulement agitent le cœur humain mais témoignent des questions métaphysiques sophistiquées que se posent les élites, ou soi-disant telles, des XII e et XIII e  siècles.
    On répète à l’envi qu’il n’y a pas d’amour heureux. Cet épisode de la Demoiselle d’Escalot semble le prouver. Mais il prouve également que l’amour existe, quel que soit le contexte social ou moral dans lequel il est vécu.

CHAPITRE XI
-
La Demoiselle Chauve
     
     
    Selon Chrétien de Troyes, lorsque Perceval quitte le château du Roi Pêcheur, après avoir assisté au mystérieux cortège du Graal sans poser la moindre question, il rencontre une jeune femme qui se lamente sur le corps décapité d’un chevalier. Elle lui explique dans quelles circonstances l’homme qu’elle aimait a été tué, mais surtout, elle révèle à Perceval son nom, car il l’ignorait jusqu’alors, et elle précise qu’elle est elle-même sa cousine germaine. Et quand elle apprend que Perceval est allé chez le Roi Pêcheur sans poser de question, elle se lamente de plus belle, le maudissant et l’assurant que s’il avait demandé : « qu’est-ce que le Graal et qui en sert-on ? », il aurait guéri le Roi Pêcheur et rendu la prospérité à son royaume. Puis elle lui explique que son échec, ou plutôt son inconscience , a été provoqué par son péché, car il a fait « mourir sa mère de douleur » lorsqu’il l’a quittée sans même se retourner. Enfin, elle l’avertit que son épée se brisera traîtreusement et que s’il veut la faire réparer, il devra aller jusqu’au « lac de Cotoatre » chez le forgeron Trébuchet, car « c’est lui qui la fit et la refera, ou jamais elle ne sera refaite par qui que ce soit » ( Perceval , trad. L. Foulet).
    La version galloise du même épisode est beaucoup plus succincte et présente quelques nuances de détails : « Il vit une femme brune, accomplie, près d’un cheval tout harnaché, et à côté d’elle un cadavre. Elle essayait de le mettre en selle, mais il tombait à terre et, à chaque fois, elle jetait de grands cris » ( Peredur , trad. J. Loth). Comme le héros lui demande pourquoi elle se lamente, la jeune femme lui répond : « Peredur l’excommunié ! peu de secours, ma souffrance au contraire vient de toi. » Peredur s’étonne. « Pourquoi serais-je excommunié ? – Parce que tu es cause de la mort de ta mère. Quand tu t’éloignas malgré elle, un glaive de douleur s’enfonça dans son cœur et elle mourut… Je suis ta sœur de lait et l’homme que tu vois était mon mari. C’est le chevalier de la clairière qui l’a tué ; n’approche pas de lui de peur d’être tué toi aussi » ( ibid. ). Peredur se lance cependant à la poursuite du meurtrier, le terrasse et l’envoie se constituer prisonnier à la cour d’Arthur. Mais dans la suite du récit gallois, il n’est plus jamais question de cette jeune femme éplorée.
    En revanche, dans la version allemande de Wolfram von Eschenbach, le rôle de cette femme est largement développé. D’abord, elle se présente au héros bien avant l’épisode du château du Roi Pêcheur, et elle

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