Les Décombres
par les armes notre désolant pays n’avait su ramener la paix.
* * *
Le 11 novembre, Laubreaux nous donnait cette manchette : « Hein, crois-tu qu’on les a eus ! » Le dessin de notre Ralph Soupault, grand imagier du fascisme français, montrait un conscrit et un territorial, ancien de Verdun, sur la tombe du « pauvre petit Pax » né le 11 novembre 1918, tué le 11 novembre 1939 devant Forbach.
Robert Brasillach, de son village alsacien, nous envoyait de superbes et vibrantes proclamations, « fasciste plus que jamais et quoi qu’il arrivât ».
Les soldats que nous pouvions atteindre dévoraient avec enthousiasme ces pages où l’on n’oubliait pas un des salauds de l’embusque, du profit, du bobard, où l’on voyait les spécialistes du « haut les cœurs » avec [leurs nez crochus ou] leurs panses épanouies, et les intrépides Tommies peints par eux-mêmes, faisant la guerre une bouteille d’une main et l’autre sur le sein d’une indigène de France. S’il fallait bien accueillir, pour remplir la place de vingt mobilisés, quelques proses conformistes où nos crayons bleus taillaient sans merci, l’équilibre était aussitôt rétabli. Nous faisions d’ailleurs appel à nos amis en uniforme, autant que le permettait la gent des correspondants de guerre à cinq mille francs l’article, indignés par la déloyale concurrence de ces anciens confrères à quinze sous par jour, qui n’avaient plus d’autre droit que de se taire et de crever. Le plus ardent et le plus abondant de nos collaborateurs kaki était le cher brigadier Cousteau, apportant toute chaude dans nos colonnes la voix naïve, goguenarde et impétueuse du vrai soldat qu’aucun civil ne peindra jamais.
Je viens de feuilleter encore cette étrange collection de notre année 1939. Après les trébuchements, les réticences qui ont suivi Munich, notre journal se rebiffe sous l’aiguillon de la guerre, et malgré tout l’appareil de la censure a repris une superbe et agressive liberté. Il assume l’honneur plein de péril de s’être, seul dans la presse, rigoureusement seul, sans un compagnon même timide à sa droite ou à sa gauche, refusé à l’abjecte « union sacrée ».
Il fait la somme de toutes les réprobations. Il boucle le cercle autour des ignominies et des iniquités qui s’accumulent. Nous y trouverions, s’il nous en prenait fantaisie, la matière d’un gros livre avec nos meilleurs articles, sans avoir, après trois ans, à changer ou retrancher un mot. J’aimerais connaître des auteurs de l’hiver 39-40 qui fussent aujourd’hui capables de nous imiter.
CHAPITRE XIII -
À LA RECHERCHE DE LA GUERRE
La Ligue du peuple allemand libre, qui compte au moins cinq cents rabbins, vingt-cinq députés sociaux-démocrates, cinquante hommes de lettres et deux mille émigrés juifs, vient de lancer par sa radio clandestine, quelque part dans Montparnasse, un ultimatum à Hitler. « Allô, Hitler, m’entends-tu ? La Ligue du peuple allemand t’a condamné à mort. Nous te donnons cinq jours pour rendre l’Allemagne à son peuple et mettre fin à la guerre. Si tu te soumets, tu quitteras l’Allemagne en vie. Sinon, tu seras tué à la fin de notre délai. »
Place de la Concorde, les vaillantes troupes anglaises ont défilé aux sons du lambeth-walk. À Washington, M. de Saint-Quentin, ambassadeur de France, vient de déclarer devant le Conseil National de l’« Union Palestine Appeal » qu’un des buts essentiels de guerre des alliés était de rendre leurs libertés aux Juifs. À la « World Fair » de New York, le jeu qui fait fureur est l’alerte aérienne à la mode de la vieille Europe, avec sirènes, extinction des feux, ruée vers les abris, barrages d’artillerie, bombardiers surgissant dans un terrifiant fracas.
À Angers, la Pologne est triomphalement ressuscitée. Tous ses ministères sont reformés au complet. Son chef, l’infatigable Sikorski, qui a pris entre Posen et Varsovie l’habitude des grandes randonnées, brûle cent litres d’essence par jour sur les routes des bords de Loire, et Paris-Soir, pour célébrer ces mâles exploits, s’écrie : « Le général Sikorski fait la guerre de mouvement. »
Sur les Champs-Élysées, les Juifs maîtres du terrain parachèvent leur conquête. L’allemand est devenu la langue officielle du 8 e arrondissement.
Toutes les lesbiennes de Paris portent calot et vareuse dans le Service Sanitaire automobile. M me
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