Les Décombres
faire renoncer. Nous prospections toute l’œuvre de Giraudoux et nous ramenions ces diamants dont l’éclat devait assez embarrasser le nouveau héraut de la grande Croisade. Nous faisions crier ainsi nos vérités favorites par le propre arbitre de l’orthodoxie de guerre :
« Croire que le combat que nous avons à livrer est un combat de démocratie contre tyrannie, c’est accepter une confusion dangereuse » ( Pleins pouvoirs). »
« Chaque feuille de journal n’est généralement qu’un voile salissant mais pudique jeté sur la vérité » ( Pleins pouvoirs). »
« Judith : Le bruit court qu’Holopherne manque de munitions, qu’il doit pour des flèches forger ses bijoux ».
« Joachim :… Le bruit en court, en effet. C’est même nous qui le faisons courir » ( Judith). »
La presse vengeresse des arrières, où les académiciens disputaient aux cabots du tour de chant la palme de l’imbécillité et de l’indécence, nous avait déterminés dès la première semaine à composer une anthologie. Il serait dommage de ne pas cueillir au moins quelques échantillons de ces proses surpassant, comme il se devait dans une telle guerre, les plus illustres turlutaines de 1914 :
« À côté des combattants réguliers, constituons l’armée des francs-volontaires, incapables d’un effort prolongé dans une tranchée, en rase campagne, mais capables de ramasser leurs forces, de frapper un grand coup et de mourir.
« … Il suffit d’un bras pour actionner la manette aux torpilles dans un avion chargé d’une mission tellement lointaine qu’il ne peut emporter dans son réservoir l’essence de son retour.
« … Des tuberculeux s’attaquent à un réseau de barbelés ; le premier coupe un fil ou deux, le deuxième un ou deux encore, et ainsi de suite. Tous les assaillants seront tués peut-être, mais le réseau sera coupé.
« Cent «trop» vieux aux jambes encore alertes, au cœur solide, peuvent forcer un blockhaus aussi bien que de jeunes soldats ou, si le blockhaus se révèle imprenable, ils auront sauvé la vie de cent jeunes soldats qui eussent entrepris l’assaut à leur place ».
Jacques PERICARD.
( L’ Intransigeant , 31 août 1939.)
« La France ne va pas se battre comme jadis pour les libertés du monde, mais pour la sienne. Et son ennemi, cette fois, a un visage qu’elle connaît dans tous ses traits, comme pour mieux l’exécrer : ce tragique sosie de Chariot qui avec sa crotte de moustaches et son geste de chasser les mouches, a fait crouler de rire les cinémas avant de les faire trembler d’horreur. »
Roland DORGELES.
« Je me rappelle avoir rencontré un de mes camarades commandant un groupe d’artillerie avec une capeline rose et des gants verts. «Que veux-tu ? me dit-il, j’ai reçu pour mes hommes une collection de tricots de formes et de teintes invraisemblables ; mes hommes ne voulaient pas s’en servir parce qu’ils redoutaient les quolibets des camarades. Alors, pour l’exemple, j’ai adopté les plus grotesques ! » Et je lui ai serré cordialement la main ».
Général MAURIN,
ancien ministre de la Guerre.
(Paris-Soir, 7 octobre.)
« Inutile de se presser : la victoire est certaine ».
Lucien LAMOUREUX.
(Le Journal, 20 novembre.)
« Depuis quelques jours, la Haute-Alsace n’est plus silencieuse ; nos guetteurs, sur les bords du Rhin, échangent des coups de fusil avec ceux d’en face. Simple distraction sans doute ».
(Le Petit Journal, 6 février.)
« Les Anglais ne disent-ils pas quand ils parlent du général Gamelin : «Notre Gamelin» ? Ne devrions-nous pas dire aussi : «Notre roi George VI» ? »
Abel HERMANT.
(Paris-Midi, 8 mars.)
« En résumé, la situation des Finlandais reste très solide et leur moral est réellement incomparable. Assurément, s’ils devaient être abandonnés à leurs seules ressources, ils finiraient par succomber sous l’avalanche des cadavres russes ».
Édouard HELSEY.
(Le Journal, 8 mars.)
(Les Finlandais à bout de force signeront la paix quatre jours plus tard.)
Tendre aveu : (Nous avions publié cet article sous le titre : « En avant… arche ! »)
« Bien souvent, j’ai honte de demeurer ici, dans la paisible Amérique, et de ne pas me trouver avec vous dans les tranchées ; de ne pas vous porter mon aide – avec les dernières forces qui me soient restées – dans la lutte que vous menez pour nous, pour chacun de
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