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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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la navigation allemande l’usage des eaux territoriales norvégiennes ». On apprend en même temps que des mines viennent d’être mouillées dans le Skagerak et le Kattégat.
    C’est encore un faux-semblant, une mesure accessoire, la seule qui soit en notre pouvoir et que l’on veut nous faire prendre pour l’essentiel.
    En l’honneur de l’opération, les fanfares anglaises et françaises attaquent le morceau des grandes offensives. Mais le premier coup de cymbale vibre encore que la riposte allemande arrive foudroyante. Elle n’a pas mis vingt-quatre heures. Nous sommes le 9 avril. En une matinée, le Danemark est occupé. Dans la journée, on apprend que la Wehrmacht est à Oslo, à Stavanger, à Bergen, à Trondheim, à Narvik que l’on va chercher, effaré, tout en haut de la carte, au-delà du cercle polaire. C’est ahurissant. Mais c’est fort simple aussi. Il a suffi que les démocraties interdisent l’accès des eaux norvégiennes à l’Allemagne, pour que la croix gammée y flottât aussitôt comme chez elle. L’audace et la rapidité de l’ennemi sont éblouissantes : comme pour la Rhénanie, comme pour Vienne, pour Prague, pour Varsovie, comme partout. Ah ! je ne me suis point trompé. [C’est bien là qu’est la force et l’esprit.] Comment pourrait-on s’empêcher d’admirer ces Siegfrieds qui surgissent au milieu des éclairs, bousculant les porte-parapluies, les outres à whisky, et les petits bazardiers de Londres et de Paris ?
    La radio est en branle comme une cloche de sacre. On flétrit l’attentat, comme si on ne l’avait point provoqué, on acclame la Norvège que la veille on sommait par un ultimatum. La célérité de Hitler est la preuve de son affolement et du coup terrible que l’on vient de porter à l’Allemagne. L’homme à la gabardine, comme dit l’académicien Mauriac dans un de ses prêches-mélos, se rue en désespéré contre la porte de bronze qui s’est fermée sur lui.
    Mais cela devient plus sérieux. La Home Fleet appareille, les escadres françaises cinglent vers le Nord. Ah ! Ah ! les démocraties cette fois n’ont pas été prises sans vert. Cette fois, au tonnerre hitlérien, le tonnerre du Droit répondra.
    Une grande effervescence règne dans notre caserne. On guette par sections entières, devant la grille du quartier, les marchands de journaux qui arrivent sous des faix de papier et sont dévalisés en un instant. Des grappes de poilus s’amassent à la cantine autour de la radio. Je n’aime point cela. Voilà donc pourquoi les feuilles l’autre matin annonçaient en manchettes prodigieuses : « M. Churchill devient le principal animateur de la guerre ». On reconnaît la marque du vieil apoplectique, de l’agité des Dardanelles dans cette équipée polaire. Mais cet animal-là va-t-il déclencher la vraie guerre ? La guerre infaisable, si exaspérante fût-elle, avait du bon. Elle désagrégeait les ministères, elle était en train de démontrer jour après jour l’impuissance de tous ces ânes. Mais ils ont trouvé le moyen de mettre la marine en danse. Sans conteste, c’est notre fort. Nous sommes dans le cas de remporter un succès à grand spectacle. Je sais trop bien qu’il ne peut rien résoudre. Ce ne sont pas les super-croiseurs qui, montés sur roues, perceront la ligne Siegfried. Le rôle de la marine m’est plus suspect que jamais, parce que c’est l’instrument de ces soliveaux d’Anglais. Mais avec les bonimenteurs que nous possédons, on va mener un vacarme incroyable autour d’un combat naval convenablement réussi. Et du coup cet infâme Reynaud va surnager. Cette odyssée meurtrière est montée comme une diversion dans la plus pure tactique parlementaire, pour repêcher un cabinet en train de sombrer.
    Les manchettes de plus en plus pharamineuses annoncent qu’une gigantesque bataille est engagée sur mer. Je reconnais sans peine dans cette flamboyante typographie le style des « hot news ». Le Prouvost et le Lazareff de Paris-Soir lancent la bataille Reynaud selon les méthodes éprouvées des décerveleurs new-yorkais, comme le dernier film de Garbo ou le meurtre de la femme à barbe. Les poilus s’arrachent ce colossal feuilleton.
    On va de triomphe en triomphe. Tous les détroits danois sont minés. Hitler a stupidement jeté ses troupes dans une souricière dont la trappe est tombée. Les corps expéditionnaires anglais et français s’embarquent pour aller les cueillir. La grande

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