Les Décombres
de transit avec les visas de séjour, et les visas pour une semaine avec les visas pour trois mois qui peuvent être plus chers.
« Pour l’Allemagne, il faut aussi que vos bonshommes aient le Passbegleitschein. Les Fritz ont inventé ça pour réduire la fraude. C’est cet imprimé sur papier blanc. Je l’ai fait reproduire très convenablement. Mais les cachets à flanquer dessus varient. Du reste, il y a tout le temps de nouveaux détails pour l’identité des étrangers en Allemagne. J’ai un certain nombre de notes à ce sujet dans ces chemises (quelques nouveaux dossiers). C’est un peu en souffrance. Naturellement, j’étais seul jusqu’à hier. Ilestindispensable que vous mettiez ça à jour au plus vite. Vous irez chercher aussi au « P. C. Victor », une de nos annexes, la collection de tampons qu’on a mise là-bas à l’abri et vous m’en ferez le répertoire.
« Attendez ! Ce n’est pas tout. En général, il vaut mieux que nos gaillards montrent des passeports qui aient l’air d’avoir déjà beaucoup servi. Ça inspire confiance. Alors, il faut leur organiser des voyages sur les premières pages, qu’ils aient l’air d’avoir déjà été de Suisse en Turquie, ou d’Italie en Lettonie. Vous pouvez même leur coller des visas de pays qui n’existent plus en leur dressant un passeport de 1938, renouvelé l’année dernière. Pour les visas d’entrée et de sortie à chaque frontière, vous regardez les indicateurs de trains et de bateaux. Chaque poste a son cachet qu’il faut décalquer et faire reporter. Vous chercherez ça dans ma collection de passeports (il désigne l’armoire entière), et si vous ne trouvez pas, toujours Lemoine. Il a des quantités de fiches. Demandez-les-lui. Je veux les faire reproduire pour les avoir sous la main. Faites donc commencer ça vous-même en prenant d’abord ceux qui vous paraissent les plus utiles. Méfiez-vous dans vos itinéraires. Il y a beaucoup de points de passage qui sont fermés depuis la guerre. Ou bien, entre la Suisse-et l’Allemagne, par exemple, on passe tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Ça dépend des derniers règlements. Tâchez de vous débrouiller pour ne pas vous tromper. Ah ! il y a aussi des postes qui ont changé leurs cachets, ils en ont maintenant qui sont en triangle au lieu d’être en rond. Il ne faut pas oublier non plus la couleur des encres, quand vous faites reproduire. Si un poste qui a des tampons violets depuis des années voit son cachet en bleu sur un passeport, ça risque de lui donner l’éveil. C’est à peu près tout pour aujourd’hui. Vous voyez que ça n’est pas compliqué. J’espère bien que vous saurez déjà tout ça par cœur quand je rentrerai. Vous allez avoir à faire partir trois ou quatre types pour l’Allemagne. Ils doivent avoir besoin de passeports espagnols et italiens. Vous aurez aussi à fournir demain les papiers d’un officier qui va en Slovaquie. Il voyage avec un passeport suisse. Il faut qu’il ait au moins tous les visas d’un parcours précédent Suède-Yougoslavie. Maintenant, au revoir, je file. À la semaine prochaine. Ne vous fichez pas dedans, hein ? Vous pourriez faire couper la tête d’un homme…
Je demeurai pantelant devant les mètres cubes de papiers faux ou vrais qui jonchaient les tables, débordaient des armoires. Le capitaine V… m’avait-il pris pour une espèce de génie, un Pic de la Mirandole de la falsification ? Ou bien étais-je devenu chez mes pionniers un franc imbécile ? N’existait-il point pour s’avancer dans ce labyrinthe un fil que je n’avais pas su apercevoir ? Je m’enfonçai fiévreusement dans mes documents. Non, j’avais bien tout saisi. Il fallait savoir si le port de Stralsund était encore ouvert aux voyageurs danois au mois de février ; s’il était déjà interdit de passer en Suisse par Waldshut au mois de septembre ; si les cachets de la gare de Velika-Kikinda étaient carrés en 1938 et si ceux d’Hegyeshalom ont toujours été octogonaux ; si « telepett » signifiait en hongrois « sortie » et « belepett » « entrée », ou bien le contraire. Les timbres verts de 120 fillers avaient-ils été supprimés et depuis quand ? En quelle occasion fallait-il employer le « timbru consular » roumain orange, et quand, mon Dieu ! les deux « timbre fiscale » bleus ? Combien de dinars un Hollandais payait-il en 1939 pour un visa de transit en Yougoslavie, et combien
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