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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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« creeds » sur Rome ? »
    Avec la victoire allemande de la Meuse, l’attitude italienne devenait de plus en plus problématique. Notre section prenait une avantageuse vedette. On pouvait en juger au nombre d’officiers à quatre et cinq galons qui venaient frapper à notre porte. Le capitaine L. T… ne se possédait plus.
    — Nous sommes à partir de cette minute en branle-bas de combat permanent. Il faut qu’éventuellement quelqu’un de nous puisse coucher ici. Au besoin, je dormirai dans un fauteuil. En tout cas, M. Rebatet restera jusqu’à onze heures et je viendrai le relever. Messieurs, tenons-nous prêts à tout, ne perdons plus une seconde.
    La harangue se traduisait par un dépliement en trois temps du sous-lieutenant G…, qui avait à l’accoutumée les jambes agréablement allongées sous sa table, et plus volontiers les mains dans ses poches qu’à son porte-plume et ses papiers.
    — Ah ! faisait-il, animé d’une subite ardeur. Attaquons notre ordre de bataille.
    Je suspendais pour la quinzième fois la rédaction d’un renseignement sur les tringlots de Rhodes, je déployais le gros de nos fiches, et nous abordions, fusain en main, la carte géante de l’Italie du Nord, couverte de calques et de repères.
    — Voyons, bataglione de X… Ah ! ah ! il a des éléments qui auraient fait mouvement sur Fenestrelle. Bien. Il avait déjà une compagnie à Fenestrelle. Pas d’importance. Rien du côté de la garnison de Turin. Rien du côté des divisions « Celere » ? Tant qu’ils n’auront pas avancé leurs grosses unités de mouvement, on ne pourra pas dire qu’il y ait quelque chose d’alarmant.
    Après une vingtaine de minutes de cet exercice, où nous avions distingué les allées et venues de sept ou huit compagnies de montagne, le sous-lieutenant G… s’étirait et reprenait tout haut le fil de ses intimes pensées. Il n’avait, quant à lui, qu’une seule inquiétude : que les Italiens retardassent indéfiniment leur entrée dans la danse : « Si on a encore quelque chose dans les burettes, il faut prendre les devants, leur déclarer la guerre et leur passer sur le ventre. Ça sera une jolie compensation à la Meuse ! »
    Je considérais les innombrables carrés verts ou rouges, massés du Saint-Bernard à Vintimille, et dont chacun représentait un bataillon, un régiment, une division. Je faisais défiler notre fantomatique armée des Alpes, la demi-brigade des chasse-pattes, passant et repassant comme les cinq figurants de Faust au théâtre de Béziers, le 440 e   pionniers…
    — Croyez-vous, mon lieutenant ? Nous sommes bien faibles, dans ce secteur-là. J’en sais quelque chose.
    Le sous-lieutenant me dévisageait d’un œil vide, comme si je lui eusse parlé bambara, comme les linottes des vaudevilles de Feydeau quand le mari cherche à leur faire entendre raison. Quoi ! Un seul chasseur de Briançon ne reconduirait pas à coups de godillots jusqu’au Pô cinq cents « Alpini » ? C’était attenter au catéchisme.
    Le capitaine L. T…, parti au pas de course dans les couloirs, rentrait comme un obus. Je tressautais, le cœur suspendu. Quelle nouvelle de l’Oise ou de Belgique ? Mais il ne s’agissait point de cela.
    — Il paraît que les Italiens ont envoyé un ultimatum à la Yougoslavie. On nous réclame de tous les côtés confirmation d’urgence. Ah ! là ! là ! quelle histoire ! Et ces brutes de Serbes, qui sont encore à faire la noce Dieu sait où ! Deux dactylos en tout et pour tout à la légation, à trois heures de l’après-midi.
    Nous engouffrâmes en vrac fusains et fiches dans les tiroirs. Nous pouvions nous préparer à un championnat de téléphone jusqu’à une heure respectable de la nuit. Il s’agissait d’abord de mettre la main sur le colonel S…, attaché militaire yougoslave, mirliflore poilu jusqu’aux ongles, ignare comme un mulet monténégrin, qui se promenait de bars en hôtels de passe dans une Buick longue comme un cuirassé.
    Le colonel S… se révélait [s’avérait] introuvable. Les grandes difficultés de l’opération commençaient. Il importait d’atteindre deux ou trois agents, en particulier un colonel fort précieux, posté au S. R. de Marseille, et dont j’ai oublié s’il répondait au pseudonyme de Gounod, de Fauvette ou de Bucéphale. Il faut savoir que nous ne disposions avec l’extérieur d’aucun fil spécial de téléphone. La moindre de nos

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