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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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Français deux fois plus jeunes et sans œillères l’exercice de leur patriotisme et de leur raison.
    Maurras, l’auteur de l ’Enquête sur la Monarchie, s’abandonnait à un jacobinisme viscéral.
    J’avais trouvé dans une rue de Lyon une vieille affiche d’Action Française, datant du Front Populaire, où on lisait encore :
    Ni fascisme, ni communisme :
    Le Roi.
    On pouvait bien dire que cette somptueuse fumisterie avait préparé les voies à Blum tout autant que l’or de Londres et de la synagogue.
    Maurras lançait maintenant comme consigne :
    « Aucun engagement, aucune négociation. Pas plus avec l’Angleterre qu’avec l’Allemagne. La France, la France seule. »
    Comme si elle eût été une lune.
    Encore et toujours l’Olympe, le firmament de l’impossible idéal. Le Hugo de Plein Ciel n’était pas plus divagant.
    Il était évidemment commode, de cette position interplanétaire, de morigéner, de railler et insulter les malheureux mortels, collés parmi les bourrasques à leur glèbe natale et tâchant de sauver leur patrimoine saccagé.
    Mais ces espèces de mystifications ne prêtaient plus à rire. Pour conserver son promontoire dans le ciel des principes purs, Maurras était prêt à livrer pour un temps indéfini, pour toujours même, Paris et quarante départements français, à la condition qu’il conservât bien à lui une France d’oc, de quinze millions d’habitants, où l’on compterait vite deux et trois millions de Juifs bien nés que l’on rééduquerait par le félibrige, et la fière armée de Port-Tarascon, où l’on mitonnerait pendant deux ou trois siècles la future guerre germano-marseillaise.
    Maurras, qui n’avait jamais pu porter dans les faits une seule de ses menaces, de ses pensées salutaires, donnait à ces sauvages folies une terrifiante réalité, se trouvait au centre des complots les plus fous.
    Aucun régime conscient des intérêts français n’eût laissé libre ce dangereux maniaque. Une des premières mesures de sécurité eût été de le faire reconduire au Chemin de Paradis avec les égards dus à son âge et sa plume, en le priant respectueusement de s’y consacrer à la poésie. Mais nous en étions bien loin. L ’Action Française avait désormais ses entrées dans l’État, elle était une de ses conseillères officieuses les plus actives. Le Gillouin, le sieur Ménétrel la représentaient quotidiennement auprès de Pétain. Les temps arrivaient. L’ Action Française était au gouvernement. Selon les prédictions de tous les bons augures, on pouvait s’attendre à du joli.
    Le départ de Déat, interprété comme une première victoire sur le clan des « ia », lavalistes et « collaborationnistes », avait quelque peu calmé la fureur du vieillard Maurras. Laval, désigné par Pétain comme son propre successeur, ne pouvait pas être attaqué de front. Maurras reprenait son souffle avant un nouvel assaut, en cherchant un nom de baptême pour la « Révolution Nationale », qui ne pouvait justement se nommer « Révolution » sans dégager du même coup un relent de nazisme. On proposait Réaction, Renaissance, Restauration. Cela vous avait la jeunesse et l’opportunité d’une séance du Dictionnaire sous la Coupole.
    Le « nationalisme intégral » se recomposait en hâte sur les Juifs une doctrine bien latine, accessoire indispensable de la dignité française en face de l’hitlérisme. Maurras proposait paternellement que l’on donnât de la terre aux Juifs pour en faire des paysans ! Il tirait son chapeau à Maurois, agent de l’Angleterre, en fuite à New York, et s’excusait à plat ventre de ce qu’un étourdi eût pu dans son journal confondre « ce bon serviteur du Maréchal et de la France » avec ce mauvais juif Bernstein.
    Pour être tout à fait équitable, on doit reconnaître que Maurras, haïssant les Anglais à l’égal des Allemands, maintenait hors du gaullisme militant un certain nombre d’étourneaux. Mais il souffrait très bien dans ses colonnes un serviteur, inconscient peut-être, en tout cas singulièrement actif de l’Intelligence Service, tel que le sieur Thierry Maulnier. Et ses chimères, de quelque nom qu’il les affublât, supposaient toutes l’espoir anglais.
    Hors des colonnes plus massives que jamais de Maurras, l’ Action Française débitait une prose de bulletin paroissial.
    Dans cet affreux ministère de dévots et de porte-sabres, elle saluait son idéal

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