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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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sale. Il est souillé de taches désolantes. Il faudrait savoir qui l’a salopé ainsi.
    Pour n’avoir pas eu l’honnêteté de régler devant nous ses comptes, pour sauver la mise à ses capons et ses ignares, l’armée française laisse peser sur elle tout entière une déshonorante suspicion. Et avec elle, c’est la France qui demeure dans le bain brenneux.
    Voilà le comble des combles. Gugusse reçoit au cul une bottée mirifique. Il déguerpit au galop en se tenant le derrière. Mais c’est pour revenir en piste, décoré jusqu’aux couilles, marquant glorieusement le pas, traînant au bout d’une ficelle un canon pour soldats de bois. Et il faudrait qu’on prît ça pour une image de la fierté française.
    Nous avons eu des héros. Nous aurions voulu les voir. Il nous est impossible de les reconnaître dans la cohue de médaillés, de cités, de promus, qui s’est répandue en un clin d’œil. Nous attendions une justice distributive. Nous avons assisté à la comédie d’une secte qui fut timide pendant de longues années, terrée et tremblante après une victoire qui l’autorisait à réclamer sa part d’honneur, et qui se révèle brusquement, à l’heure où le silence seul lui siérait, comme la plus effrontée et la mieux scellée de toutes les maçonneries que la vieille République chauffa dans son giron. On doit convenir que pour l’escamotage, du moins, les bougres avaient un fameux entraînement, et que leur manœuvre a été impeccable. Le dernier coup de fusil n’était pas encore tiré que ça s’entre-congratulait, que ça se distribuait l’un à l’autre le quitus.
    Ces cocos-là vous feraient regretter jusqu’aux gredins de la vieille boutique parlementaire. Je ne plaisante pas, ils sont encore au-dessous d’eux. Nous ne sommes pas prêts d’oublier le carnaval de Riom. Les généraux sont venus là à vingt, honorés, pieusement ouïs, avec l’accord complet des juges et des ministres, pour démolir Daladier, le civil, donc le bouc. Et c’est cette loque, cette gourde, ce Daladier prisonnier, qui les a collés, cinglés, remis à leur place d’ânes, c’est Daladier, ma foi, qui a tiré son épingle du jeu.
    Exemple : les généraux déclarent que nos cadres étaient insuffisants, en accusent Daladier.
    DALADIER. — Combien devait-il y avoir d’officiers d’active ?
    LE GÉNÉRAL. — 29 800.
    DALADIER. — Combien étaient-ils en 1938 ?
    LE GÉNÉRAL. — Je ne sais pas (!)
    DALADIER. — 37 000 soit 7 400 de plus qu’il n’était prévu à la loi.
    Les généraux étaient tous épatants. Mais dès qu’il faut une date, un chiffre, ils ignorent. Ils étaient du Conseil Supérieur de la Guerre, Ils ne savaient pas ce qu’on y disait. Ils n’y allaient jamais. Il n’y avait jamais de Conseil. Ils n’ouvraient jamais un journal ; aussi ont-ils été fort surpris que leurs hommes n’eussent point de godillots ni de couvertures, quand pendant trente mois les godillots et les couvertures étaient allés aux rouges d’Espagne par centaines de milliers. Ils ont été tout pantois de voir arriver sur la ligne Maginot des poilus avec des chapeaux mous et des chapeaux melons en guise de casques, sidérés que les cartouches manquassent même pour les tirs d’exercice. Ils ne savaient donc même pas, à quelques dizaines de milliers de pièces près, avec leurs montagnes de dossiers, de fiches, de rapports en vingt-quatre exemplaires, avec leurs légions de bureaucrates, de quel matériel ils étaient comptables. Mais cela n’a pas d’importance. Ils ont trouvé le vaincu, le criminel : c’est le trouffion.
    En vérité, ces messieurs ont toutes les hideurs, toutes les tares du démocrate, et par dessus, la croûte endurcie du militaire. Et les crapules du Parlement, du moins, n’insultaient pas l’électeur.
    Au 25 juin 1940, honnêtes diables, nous nous vîmes tous enfin délivrés de cette bande. Pensez-vous ! c’était son ère qui commençait.
    Si l’armée se contentait d’être ridicule et de nous ridiculiser, avec ses revues de compensation pour généraux fessés, et le redressement de la France par la restauration de la sabretache, ce serait déjà suffisamment odieux. Mais les abrutis en képis dorés, à l’idiotie doublée de basane, se sont choisis eux-mêmes comme les conducteurs les plus qualifiés de la nation. Seul, un vieux soldat offrait une figure intacte, qui lui permît le geste sauveur du 17 juin. Mais parce

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