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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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intolérable.
    Quoi ! la France avait assisté avec une résignation de petite vieille au relèvement et au réarmement de l’Allemagne au temps où elle était trois et quatre fois plus forte qu’elle, au passage du Rhin par les troupes de Hitler, à l’édification de la ligne Siegfried, à l’annexion de l’Autriche. En démolissant un peu de ses propres armes à chaque nouvelle conquête du voisin, elle l’avait laissé s’emparer de toutes les positions dont la défense était facile. Elle avait toléré sans un geste de riposte, en dépêchant au plus quelque huissier à ses « Panzerdivisionen », qu’il vînt border notre frontière avec des milliers de canons et de chars. Et voilà qu’elle jetait feu et flammes et faisait sonner avec fureur un glaive ébréché. Cet accès belliqueux était encore plus imbécile que toutes ses lâchetés d’hier.
    Nous entendions autour de nous des nigauds, des bravaches, des mathématiciens, des juristes ou des traîtres insinuer que c’en était assez, que Hitler passait les bornes et qu’il était nécessaire de lui signifier un impérieux « halte-là ».
    Nous avions beau jeu pour répliquer : « La belle ligne de résistance que vous nous désignez ! Ne voyez-vous donc pas que votre Tchécoslovaquie est un bric-à-brac de peuples qui se haïssent et qui s’entre-rosseront au premier coup de fusil ? Ignoreriez-vous par hasard que les Slovaques sont les esclaves de vos Tchèques, et qu’ils n’attendent que votre guerre pour lever les drapeaux de la rébellion ? Et même si les Slovaques consentaient à se faire casser la tête, parce que cela déplaît aux Tchèques que huit cent mille Allemands des Sudètes redeviennent des Allemands tout court, votre Tchécoslovaquie est si grotesquement fabriquée qu’en deux jours les Panzerdivisionen l’auront traversée de part en part. Si un miracle voulait que cette espèce de boudin n’éclatât pas, il serait aussitôt découpé en tronçons. Et nous ne pourrions même pas former à son propos une coalition qui aurait au moins des chances d’embarrasser l’Allemagne. M. Benès prétendait jouer les dictateurs de la Petite-Entente. C’est un marxiste avéré, un ami des Soviets. Il a eu l’art de faire détester la Tchéquie par toutes ses voisines. La Roumanie, la Yougoslavie ne feront pas tuer un seul conscrit pour elle. La Pologne et la Hongrie guettent l’heure d’en saisir un lambeau. Quant à l’U. R. S. S., entre elle et les Tchèques, il y a la Pologne. Et les Polonais ne toléreraient jamais un seul soldat rouge chez eux. »
    Depuis six mois, l’Allemagne avait la forme d’une tête de loup, le Rügen et le Schleswig pour les oreilles, Berlin à la place exacte de l’œil, la Silésie et l’Autriche pour les mâchoires ouvertes. Le gros et bête boyau tchécoslovaque était enfoncé entre ses dents. Aux devantures des librairies, les plus niais rêvaient longtemps devant cet étonnant intersigne géographique.
    Mais nous avions offert nous-mêmes la mandibule autrichienne au carnassier. C’était sur le Brenner, à Rome, à Vienne que se défendait la Tchécoslovaquie.
    Des effrénés nous abasourdissaient tout à coup avec les exigences de notre honneur et de notre sécurité. Mais c’était dans la plaine rhénane, dans les champs du Palatinat, quand les divisions allemandes y poussaient précautionneusement leurs éclaireurs que notre honneur et notre sécurité avaient été en jeu, et que nous, couards et brenneux, nous les avions sacrifiés à la face du monde.
    La logique était plus que jamais, après avoir livré bénévolement à l’adversaire des avantages inouïs, d’en retirer enfin quelque bénéfice tangible en mettant le sceau à notre réconciliation. Mais la déraison de notre politique tournait à une folie de roquet enragé. Après avoir rendu toutes les armes de l’invincibilité au géant germanique, voilà que nous lui mordions les bottes.
    * * *
    À une volonté de guerre aussi extravagante et frénétique, il fallait certainement des ressorts considérables. Nous les connaissions bien. À Je Suis Partout et àl ’Action Française, on les avait décrits sans répit depuis des mois. Le clan de la guerre tchèque était le même qui avait livré Mayence, remis Strasbourg sous le feu des canons allemands, vomi l’insulte contre Dollfuss, reçu Schuschnigg à Paris dans une gare de marchandises, traité en hors-la-loi Mussolini, le garde du

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