Les Décombres
Force – les fêtes de sa renaissance ont été des couronnements de rosières, la Commune libre de Montmartre où les généraux font les gardes champêtres, la nursery, le jour où l’on y roule en petite voiture les aïeux pour qu’ils viennent faire guidi-guidi aux bébés.
Pendant que la jeune Europe enfantait dans de glorieuses douleurs un ordre mâle et sain, la France vichyssoise s’est montrée semblable à une vieille douairière, dans des affûtiaux de l’autre siècle qui sentent le pipi de chat, offusquée par les cris et les ébats de la vie, et qui achève son existence loin de Paris, au fond d’une espèce de pension de famille calamiteuse, en alignant autour d’elle des bibelots puérils, poussiéreux, ébréchés, surannés, semblable à une vieille bigote qui se fait voler par des escrocs en soutane,
Nous sommes en France un petit nombre de patriotes. Aucune angoisse, aucune avanie ne nous ont été épargnées, et chaque fois nos élans les plus purs et les plus courageux nous ont été imputés à crime. Nous avons enduré pour notre patrie des tourments infinis : le Front Populaire, l’affaire tchèque, l’été Trente-Neuf, le printemps Quarante. Après le geste sauveur de l’armistice, nous aurions pu nous croire enfin quittes et délivrés. Il a fallu que Vichy nous réservât encore d’autres affres et d’autres colères. Nous avons vu ses hommes, pour complaire à leur vanité, leurs préjugés ou leurs intérêts les plus sordides, imposer allègrement à leurs compatriotes des surcroîts de peines dont eux, les nantis, ne portent pas la plus petite part. Nous les avons vus jouer avec une folle légèreté les dernières mises de la France à la roulette, sur un double zéro qui ne pouvait en aucun cas sortir. Nous avons tremblé chaque jour de voir ces tragiques étourneaux déchaîner un nouvel orage sur notre pauvre sol.
Ils ont enfin dû céder leurs places essentielles. Mais jamais gouvernants faillis n’ont laissé derrière eux une succession plus désastreuse et inextricable. Ils n’ont pas été châtiés, ce qui est encore une faute sans nom. Beaucoup n’ont été écartés que de quelques pas. Ils ne se tiennent donc point pour battus. Ils ont des alliés redoutables. Aucun d’entre eux ne se fût permis la moindre offense contre les gouvernements du suicide et de l’assassinat. Mais ils n’ont d’autre pensée qu’un coup d’État contre le parti de la paix et de l’intelligence, qui serait cette fois un coup de mort pour la patrie.
On étouffe de rage et de chagrin en songeant au temps, aux chances, que ces misérables nous ont fait perdre et que nous ne retrouverons plus. La France, dès l’été Quarante, devait prendre parti contre ses vrais ennemis, les assassins et les voleurs anglais, les renégats gaullistes, les pillards juifs. Elle devait prêter ses bases et ses bateaux aux combattants de l’ordre, défendre ou reprendre ses colonies, être présente sur le front d’Afrique, sur le front de l’Est, sur le front de l’intérieur où les marxistes et les Hébreux mènent leurs féroces campagnes, elle devait être partout dans la bataille du fascisme. Elle devait faire bloc avec l’Europe contre l’Amérique traître à la race blanche. Elle pouvait ainsi, en quelques mois, signer sa paix avec l’Allemagne, abréger la guerre au lieu de travailler à l’éterniser. Elle pouvait terminer cette guerre à côté des vainqueurs. De vieux maniaques, des badernes croulantes, des financiers judaïsés ne l’ont pas permis. Entre tous les criminels qui ont ruiné la France, ceux-là sont les plus coupables. Les Mandel, les Daladier, les Reynaud n’ont perdu qu’une guerre. Les Vichyssois l’ont perdue avec eux, mais ils ont tout mis en œuvre pour en perdre une autre et pour enterrer cette fois le nom de la France à jamais.
POUR LE GOUVERNEMENT DE LA FRANCE
Le peuple français est à l’image des hommes qui ont prétendu depuis tant d’années le gouverner.
Il donnait encore quelques signes de bon sens quand il écoutait chaque jour, pendant la guerre, la radio ennemie qui lui dépeignait très fidèlement le camp des pitres. Depuis, il n’y a plus une seule fissure dans l’énorme bloc de sa bêtise. Les Parisiens du X e siècle ne formaient pas un troupeau d’une plus barbare crédulité que ceux de 1942.
Nous avons été bombardés le 3 mars de cette année, et sévèrement, par l’aviation anglaise. Les deux tiers du
Weitere Kostenlose Bücher