Les Décombres
son pays à la disette, parce qu’il les administrait à la façon de ces compagnies d’infanterie où le capitaine fait sous lui, où les cuistots revendent leurs vivres aux bordels et aux épiciers.
Il serait curieux de tenir la statistique des polices actuelles, dont le nombre atteindra bientôt la dizaine, chacune espionnant l’autre ou une nouvelle catégorie de citoyens au profit d’un clan, mais se contrefichant de faire obéir l’État.
À part les « socii » que la Légion est chargée d’essaimer à travers le territoire dit libre, selon les préceptes de Saint Ignace de Loyola, cette énorme phalange ne rend pas le plus modeste service. Ah ! j’oubliais. Elle est chargée de dédouaner les Juifs, qui s’y sont précipités en masse, tous anciens combattants, jusqu’à des juifs subcarpathiques de soixante ans, qui ne savent pas dix mots de français et arborent le même insigne que les anciens poilus de la Marne et du Mort-Homme.
Il faut voir les gueules des chefs, sous-chefs, délégués, responsables de cette Légion, tout ce que l’on a pu ramasser de cul-de-plomb, de bedeaux, de godiches, de vieux puceaux.
La youtrerie, avec le concours de ses banques officielles, de dix ministères, de vingt préfets, a procédé au pillage réglé de ce qui restait de la fortune française, par l’exode des capitaux, la rafle des diamants, des objets d’art. Elle a accumulé dans les trafics du marché noir les plus énormes bénéfices qu’elle eût réalisés jusqu’ici en France. On avait mis sous séquestre, fort timidement, quelques biens juifs appartenant à des fuyards, à des richards d’une insolence par trop notoire. L’État, confus d’avoir été poussé à une pareille illégalité, protégeait jalousement ces trésors. Mais les juifs, s’enhardissant, se sont élevés contre ces mesures attentatoires à la conscience humaine. Et on les a autorisés à puiser dans les séquestres juifs « pour leurs œuvres dont les besoins sont actuellement exceptionnels ». Ainsi les bribes elles-mêmes que nous aurions pu garder, pour compenser faiblement tant d’exactions, sont retournées à Israël.
Tas de salauds ! Non point les Juifs qui se défendent par leurs armes, mais leurs pourvoyeurs chrétiens.
Il était honorable que notre peuple répugnât au premier abord à une entente avec l’Allemagne, même si les raisons que l’on devinait sous cette répugnance se révélaient assez médiocres à l’examen. Mais un gouvernement devant de tels problèmes, n’a pas le droit de se comporter comme un intestin ou un vagin.
Il existe encore des quantités de nigauds convaincus que, si nous avons perdu la guerre, c’est le châtiment du Ciel et de la morale parce que nous n’avons pas aidé la Tchécoslovaquie en 1938. Ce serait d’un jovial pittoresque, si maints personnages qui détenaient il y a quelques mois encore le pouvoir et conspirent pour le reprendre, quand ils n’en ont pas conservé de beaux morceaux, ne pensaient comme ces benêts.
On saura quelque jour, et le plus tôt sera le mieux, comment ces personnages, qui se prétendent inspirés par le plus pur patriotisme, ont volontairement laissé la France coupée en deux, ingouvernable, un million et demi de prisonniers dans les camps. La crevaison pour le pays, plutôt que de recevoir des Allemands une faveur. Cela s’est dit à Vichy, et dans les plus hautes sphères de l’État, lorsque les relations postales entre les deux zones furent améliorées. On gémissait que les Allemands en accordaient trop, on était fort mécontent qu’ils pussent ne plus apparaître comme d’intraitables tortionnaires. Ce qui n’a aucunement empêché qu’on leur ait fourni tout ce qu’ils ont réclamé, mais tellement à contrecœur qu’on n’en a récolté aucun bénéfice, bénéfice que d’ailleurs on ne voulait à aucun prix. C’est, à part l’intermède pseudo-guerrier de neuf mois, la politique accoutumée de la France avec l’Allemagne depuis 1919. On a eu cependant le temps de méditer sur ses aimables résultats.
Antinomie bien digne de ces fameux logiciens : nous ne voulons pas nous avouer vaincus pour ce que notre défaite a de radical, militairement et diplomatiquement, mais nous ne voulons à aucun prix toucher aux conséquences les plus remédiables de notre défaite.
Ces gens-là ont le goût de la défaite dans le sang, en dignes successeurs des gogos qui ont misé sur les sociaux-démocrates
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