Les derniers jours de Jules Cesar
déchargeur ?
— Lui et les deux autres.
— Le déchargeur partira au plus vite, s’il n’est pas
déjà parti. Les deux autres se mettront en route sur-le-champ. Ils sont habitués
à se déplacer la nuit. Convoque-les. »
La lumière qui palpitait sur la tour ad Medias cessa.
La transmission était terminée.
Le commandant redescendit en fermant la trappe en bois
derrière lui. Trois lampes éclairaient le couloir jusqu’au palier d’où l’on
accédait au logement du personnel. Il y avait là deux trentenaires : un
autochtone à la taille et aux traits celtiques, grand et massif, aux longs
cheveux roux, aux yeux d’un bleu presque iridescent ; un Méridional, plus
petit, aux cheveux sombres et lisses, aux prunelles noires, très mobiles, un
Daunien d’Apulie. Le premier se nommait Rufus, le second Vibius. Ils
s’exprimaient en une étrange langue bâtarde, un latin farci de termes
dialectaux, qu’ils étaient sans doute les deux seuls à comprendre.
Quand le commandant entra, ils mangeaient du pain et des
noix. Ils se levèrent aussitôt et comprirent, à son expression, que l’officier
avait des nouvelles désagréables à leur annoncer. « Ordre de livrer un
message de la plus grande urgence, commença-t-il. Naturellement, vous ne serez
pas les seuls à en être chargés, vous connaissez la marche à suivre. Il est
impossible, en cette saison, de se fier aux signaux lumineux. Le fait qu’on a
toutefois essayé prouve combien la tâche est importante. Un bon messager
demeure le moyen le plus sûr. Le message est simple et facile à mémoriser, y
compris pour les deux tire-au-flanc que vous êtes. “L’aigle est en danger.”
— L’aigle est en danger, répétèrent les deux hommes.
Oui, commandant.
— Étant donné son caractère, ce message ne peut que
provenir de Nebula. Ce fils de pute se trompe rarement. Je ne peux pas vous en
dire plus. Sachez que la vie de nombreuses personnes, le destin de villes et
peut-être de peuples dépendent de la rapidité avec laquelle ces mots atteindront
leur destinataire. Vous les répéterez au vieux poste de garde situé au huitième
milliaire de la via Cassia. Peu importe le chemin que vous prendrez, peu
importe que vous deviez suer sang et eau, par tous les démons de l’Averne,
transmettez ce maudit message avant d’exhaler votre dernier souffle ! Vous
avez bien compris ?
— Très bien, commandant.
— Les chevaux et votre équipement seront prêts dès que
nous en aurons terminé. Partez dans deux directions différentes. Choisissez
vous-mêmes votre route, cela m’est égal. Vous n’aurez toutefois pas à en
parcourir tous les tronçons, car vous devrez changer de chevaux, mais elles
seront votre point de repère. Pour des raisons de sécurité, j’ignore
l’itinéraire des autres messagers, et il est possible qu’il soit différent du
vôtre. S’il le faut, vous vous ferez connaître par votre plaque de speculatores, d’éclaireurs, mais l’incognito est la meilleure des garanties jusqu’à
l’accomplissement de votre mission. Le système est conçu de façon qu’un
messager au moins arrive, au cas où les autres échoueraient.
— C’est-à-dire s’ils étaient tués, n’est-ce pas ?
demanda Rufus.
— Oui. Telles sont les règles de ce jeu et de ce
métier.
— Qui d’autre que nous est au courant de cette
opération ? interrogea Vibius.
— Que je sache, personne. Mais nous ne savons pas
toujours tout ce que nous souhaiterions. Et ce que nous estimons probable n’est
pas forcément vrai. Gardez donc vos yeux et vos oreilles ouverts. Vous n’avez
qu’une seule consigne : délivrer ce message à tout prix. »
Les deux hommes saluèrent et s’engagèrent dans l’escalier
qui conduisait à la cour intérieure où les attendaient deux chevaux saures
équipés pour un long voyage : couvertures, sacoches de nourriture, gourdes
de vin allongé, ceintures contenant de l’argent. Le domestique les aida à
enfiler un corset de cuir renforcé, assez épais pour empêcher une flèche
d’atteindre leur cœur et assez léger pour ne pas entraver leurs mouvements.
L’arme choisie pour cette mission était un couteau celtique. Le tout fut
recouvert d’une cape en laine brute utile aussi bien pour le froid que pour la
chaleur.
Rufus et Vibius sortirent par la porte principale, flanquée
de deux lampes qui projetaient un halo jaune sur la neige souillée de boue et
de crottin.
« Qu’est-ce qu’on
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