Les derniers jours de Jules Cesar
de
risques.
— À quelle distance se situe le prochain relais ?
— À un peu plus de trois heures de route. Cela dépend
de ta vitesse.
— Cela dépend du cheval que tu me donneras.
— Tu veux donc repartir ?
— Oui. Il ne fera pas nuit noire avant une heure. Après
quoi, j’aviserai. Donne-moi un morceau de pain et ce que tu as sous la main,
puis fais-moi préparer un cheval. Le mien se trouve devant le râtelier. Si tu
me donnes le meilleur, je ne l’oublierai pas.
— Bien sûr, centurion, déclara l’homme en abandonnant
ses dés. Voici notre aubergiste. Il te servira à dîner pendant qu’on te
préparera le meilleur coursier de notre écurie. Mais puis-je te demander la
raison de tant de hâte ?
— Non. Active-toi, plutôt. »
Peu après, Publius Sextius se remit en route. À l’approche de
la nuit, la température fraîchissait rapidement à cause de la neige qui
recouvrait la plupart des montagnes.
Il essayait de se rassurer : rien ne prouvait qu’un
événement funeste allait bientôt se produire. Il espérait que d’autres
messagers étaient partis, ce qui multiplierait les chances d’avertir Rome à
temps. Des messagers fidèles à leur mission : les factions déchiraient
l’État depuis trop longtemps pour que l’administration n’héberge pas en son
sein des adversaires.
La dernière lueur du couchant disparut, et les étoiles
brillèrent dans le bleu intense de la voûte céleste. Un croissant de lune se
dessina au-dessus de l’Apennin. Le centurion se sentit bien seul sur la route
déserte. Il n’avait pour compagnie que le martèlement des sabots de son cheval
et sa puissante respiration. Pourtant ses souhaits étaient en train de
s’accomplir.
Mutatio
ad Medias, a.d. VIII Id. Mart., prima vigilia
Relais
« ad Medias », 8 mars, sept heures du soir
À la nuit tombée, alors que tout le monde s’apprêtait à
dîner et que les lumières de l’auberge s’allumaient afin de guider les
voyageurs retardataires, le déchargeur gravit les marches qui menaient à la
terrasse supérieure.
Ses mouvements n’échappèrent pas à l’homme à la cape grise,
qui gagna discrètement le bas de l’escalier et le suivit jusqu’à la porte
demeurée entrouverte.
Le bâtiment principal était dominé par une tourelle d’une
vingtaine de pieds dans le mur de laquelle des marches étaient creusées. Le
déchargeur monta au sommet. Des bûches étaient empilées dans un coin. Il alluma
un feu à l’intérieur d’un gabion en fer battu que soutenait un trépied.
Alimentées par le vent, les flammes s’élevèrent rapidement. L’homme ouvrit
alors une porte, sur le côté ouest de la tour, et tira d’un sac en toile une
sorte de grand disque en bronze astiqué. À l’aide de cet objet, il projeta à
plusieurs reprises la lumière du feu vers un point précis de l’Apennin. La
proximité des flammes réchauffait sa poitrine dans l’air mordant qui lui
glaçait le dos. Des bruits de vaisselle s’élevaient du rez-de-chaussée, mêlés
aux conversations joyeuses des clients.
Bientôt, le déchargeur aperçut sur l’arête de la montagne un
point rouge qui se transforma peu à peu en un petit globe palpitant. Son
message avait été reçu, et l’on s’employait à y répondre.
Sur la terrasse, au pied de la tour, l’individu à la cape
grise s’aplatit contre le mur dans l’attente de ces signaux.
In
Monte Appennino, Lux fidelis, a.d. VIII Id. Mart.,
prima
vigilia
Monts
de l’Apennin, « Lumière fidèle », 8 mars,
sept heures
du soir
L’homme qui était chargé de la signalisation levait et
baissait un écran de toile devant le feu, mais le vent de plus en plus fort
compliquait la manœuvre. La terrasse de l’avant-poste était recouverte de neige
glacée ; derrière la construction s’étendait une forêt de sapins que
ployait la neige récente. Soudain, une trappe s’ouvrit dans le sol, et le
commandant, un officier du génie, en sortit, emmitouflé dans une cape en laine
brute au capuchon fourré.
« Qu’a-t-on transmis ? », interrogea-t-il.
L’homme approcha du feu la tablette sur laquelle il avait
retranscrit le message : « “L’aigle est en danger. Avertis
Cassia VIII.” Sais-tu ce que cela signifie ? Qui est l’aigle,
commandant ?
— Cela signifie des ennuis sans fin. Combien d’hommes
avons-nous ?
— Trois, en comptant celui qui nous a envoyé le signal.
— Le
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