Les derniers jours de Jules Cesar
arrivé tout à
l’heure t’a-t-il parlé ?
— Non.
— As-tu entendu ce qu’il disait au responsable ?
— Il voulait savoir s’il trouverait un autre cheval au
prochain relais.
— Il est donc très pressé…
— Oui. Il n’a même pas terminé son repas.
— Prépare-moi un cheval. Le meilleur. Je partirai cette
nuit.
— C’est lui qui a pris le meilleur.
— Le meilleur qui te reste, imbécile. »
Le domestique s’exécuta sur-le-champ. Il harnacha un bai aux
jarrets fins et le lui amena. « Si tu pars en pleine nuit, dit-il, prends
garde aux mauvaises rencontres.
— Mêle-toi de tes oignons. Et ne dis rien à personne si
tu en veux encore », ajouta l’homme en faisant tinter sa bourse.
Il regagna la place où il se trouvait un peu plus tôt et
s’appuya contre la colonne.
C’est alors que se présenta un convoi de chars remplis de
foin, de toute évidence destiné aux écuries. Les conducteurs, de bonne humeur,
réclamèrent aussitôt le vin qu’ils avaient bu à leur précédent passage. Le
responsable apparut sur le seuil de son bureau, une tablette et un stylet à la
main. Il examina et enregistra ce que le sénat et le peuple romain achetaient.
« J’espère qu’il n’est pas humide, lança-t-il. La
dernière fois, il a moisi. Je devrais vous retrancher la moitié de ce que je
vous ai payé.
— Prends-en-toi plutôt à l’indolence de tes
domestiques, répondit un des conducteurs. Ils l’ont laissé dehors la première
nuit au lieu de l’entreposer au sec, dans ton fenil. Ce foin est parfait, aussi
sec que ma gorge assoiffée. »
Le responsable ordonna qu’on apporte du vin et se retira
dans son bureau.
Un peu plus tard se présenta un cavalier hors d’haleine.
Ayant reconnu Mustela, il l’emmena à l’écart, lui montra un reçu et lui remit
un rouleau renfermant un itinéraire.
Pendant ce temps, Publius Sextius galopait sur la bande en
terre battue bordant la route pavée, la via Aemilia, qui menait à Rimini. À
chaque borne milliaire, il évaluait la distance qui le séparait du prochain
relais. Trois ans plus tôt, il avait emprunté ce chemin avec ses canailles de
la XII e Légion et franchi à contrecœur le Rubicon parmi eux.
Pour les convaincre que cette action contre la patrie et
contre la loi était nécessaire, il avait eu recours à une mise en scène.
Publius Sextius jeta un coup d’œil au soleil : il ne
lui restait plus qu’une heure et demie de jour. Cela lui permettrait toutefois
de rallier le prochain relais, sur la rive gauche du Reno. Il déciderait alors
s’il y passerait ou non la nuit. De temps en temps, il ralentissait l’allure
pour soulager sa monture. Soldat d’infanterie, il avait dû s’habituer aux
chevaux et à leurs exigences. Il était persuadé que César courait un grave
danger, un danger imminent. Plus que les informations de Nebula, c’était son
instinct qui le lui soufflait, cet instinct grâce auquel il avait entendu,
pendant les campagnes des Gaules, les flèches ennemies fendre la nuit un
instant avant quelles soient décochées.
Caupona
ad Salices, a.d. VIII Id. Mart., hora duodecima
Auberge Aux saules, 8 mars, cinq heures de l’après-midi
Publius Sextius atteignit la rive du Reno avant Bologne et,
ayant consulté la carte de Nebula, vira à droite vers le sud. Lorsqu’il arriva
à l’auberge qui servait de relais, le soleil s’était déjà couché derrière les
collines. Sur la porte se détachait une statuette d’Isis, œuvre d’un modeste
artisan mais d’un certain effet. Le centurion entra. Des serviteurs
s’apprêtaient à allumer les lampes dans les chambres, prenant de l’huile à une
outre, au fond de la cour.
Il était fatigué. Le temps instable avait réveillé ses
vieilles blessures, et la maigre collation qu’il avait faite au relais
précédent ne l’avait pas sustenté. Il attacha les rênes de son cheval au
râtelier et partit à la recherche du responsable. Il le surprit en train de
jouer aux dés avec l’aubergiste et lui dit, après avoir exhibé ses lettres de
créance : « Je ne suis pas un inspecteur, mais un voyageur, et j’ai
besoin d’un conseil.
— Tout ce qui est en mon pouvoir, centurion.
— J’ai beau être pressé, j’hésite à poursuivre mon
chemin ou à m’arrêter ici pour la nuit.
— Je te conseille de t’arrêter et de te reposer. Tu
n’as pas un bel aspect, et il fera bientôt noir. Mieux vaut ne pas courir
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