Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
écrits, Brutus en attribue le mérite à Caton, ton beau-père.
Cela n’a guère plu à César. Louer Caton, c’est l’offenser, lui. Caton est
devenu le martyr de la liberté républicaine, l’homme qui a préféré se suicider
plutôt que de supporter la tyrannie. Me suis-je approché de l’événement auquel
tu faisais allusion ?
    — De très près.
    — Mais ni toi ni moi n’avons le courage d’en
parler. »
    Cicéron baissa la tête. Atticus garda le silence un moment
puis reprit : « Si je ne m’abuse, tu te demandes s’il est bon, pour
toi, d’accepter la proposition voilée qui t’invite à ne pas te mêler de cet
événement pour intervenir dans un second temps, ou s’il vaut mieux y prendre
part tout de suite, comme tu l’as fait lors de la tentative de coup d’État de
Catilina.
    — Tu as touché dans le mille. Cette pensée me tourmente
depuis longtemps. »
    Atticus approcha son siège de celui de son ami. « Disons
que, lorsque nous évoquons cet événement, nous pensons tous deux à la même
chose, la seule chose qui ait une envergure aussi importante. Tu crains que
ceux qui le préparent ne soient pas assez compétents, assez expérimentés, et
qu’ils ne causent des dommages plus graves que ceux qu’ils voudraient réparer.
Seules des plantes graciles et tordues peuvent pousser autour d’un grand chêne,
n’est-ce pas ?
    — Il en est ainsi, je le crains, dans la plupart des
cas. Quoi qu’il en soit, certains individus qui, en ce moment, ne font pas
preuve de toutes leurs capacités risquent de constituer un sérieux
problème. »
    Atticus soupira. « À la mort d’Alexandre, tous ses amis
sont devenus de grands rois. Ils ont démembré son empire pour s’en approprier
chacun un bout au terme d’interminables luttes sanguinaires.
    — Je comprends ce que tu veux dire, et c’est la raison
pour laquelle cette idée m’effraie. Brutus…
    — Oui, Brutus. Un mot circule sur son compte. On dit
que César en est l’auteur. »
    À l’énoncé de ce nom, Cicéron sursauta légèrement. Attilius
poursuivit : « Il aurait déclaré : “Brutus ne sait pas ce qu’il
veut, mais il le veut avec force.” » Il eut un sourire amer. « Ne te
mêle pas de ça, mon ami. Remercie les dieux de ne pas avoir reçu de
propositions concrètes. J’ai…
    — Quoi ? interrogea Cicéron, inquiet.
    — J’ai des informations… rien de précis, mais des
informations vraisemblables selon moi. J’essaierai d’en savoir plus long et de
déterminer si quelqu’un pense à un rôle institutionnel pour toi, une fois
l’action accomplie. C’est tout ce que je peux faire. Je ne suis pas un homme
politique, mon ami, je m’efforce juste de comprendre, mais, si je peux t’aider,
je n’y manquerai pas. Il n’est pas certain que je parvienne à te parler. Tu
recevras plus probablement un message frappé de mon sceau. Il contiendra notre
mot d’ordre chiffré habituel. Ce jour-là, ne quitte surtout pas ta
demeure. »
    Atticus se leva. Cicéron l’imita. Les deux hommes
s’étreignirent. Ils étaient unis par une même angoisse, une vieille amitié, une
profonde culture, la fidélité au même credo philosophique, le regret des
vieilles valeurs de la patrie que la soif de pouvoir et l’avidité, la haine
partiale, les ressentiments et les vengeances avaient balayées.
    Atticus avait décidé d’être le spectateur détaché de cette
débâcle, persuadé dans son fatalisme tranquille que l’élément chaotique de
l’histoire, prépondérant depuis toujours, l’avait emporté et que les forces
fragiles de la raison humaine ne pouvaient en aucun cas empêcher ce désastre.
    Cicéron croyait encore dans le rôle de la politique, mais il
n’avait ni le courage ni la force de l’exercer. Son impuissance le tourmentait
et il vivait dans le souvenir de son glorieux consulat. Il avait alors
violemment attaqué Catalina au sénat, l’avait démasqué et poussé à la fuite.
    Il accompagna son fidèle ami à la porte de la cour de
derrière. Atticus s’immobilisa un moment sur le seuil et remonta le capuchon de
sa cape sur sa tête. « Encore une chose, dit-il.
    — Parle.
    — Es-tu l’inspirateur des inscriptions qui apparaissent
sur les murs de Rome, invitant Brutus à se montrer à la hauteur de son
nom ?
    — Non.
    — Tant mieux », conclut Atticus avant de tourner
les talons.
     
     
    Romae,
in Campo Martis, a.d. VII Id. Mart., hora octava
    Rome,
Champ de

Weitere Kostenlose Bücher