Les derniers jours de Jules Cesar
les conditions de négocier. Ici,
c’est moi qui décide. »
Le soldat qui montait la garde avec Carbon intervint :
« Écoute, l’ami, cet homme me paraît avoir raison. Pourquoi le
retiens-tu ? Interrompre un service de l’État est passible de graves
punitions.
— Je veux une preuve », insista Carbon.
Rufus était hors de lui à l’idée d’être tombé aussi bêtement
dans les mains d’une recrue inexpérimentée, en quête de promotion. Il s’efforça
toutefois de garder son calme. « J’ai un insigne, mais je ne suis pas
autorisé à te le montrer les mains liées. Si tu ne me le rendais pas, je serais
chassé du corps. Détache-moi et tu le verras. »
Carbon grommela un moment avant de jeter à son
camarade : « Bon. Libère-le. Je suis curieux de voir son insigne. Je
l’ai déjà fouillé sans succès. »
Une fois libéré, le gigantesque Celte décocha un coup de poing
magistral au malheureux légionnaire, l’envoyant au sol. D’un geste rapide, il
reprit possession de son couteau et, tournant sur lui-même comme une toupie, le
pointa au cou de l’autre soldat, interdit.
« Aurais-tu, toi aussi, des questions à me poser ?
— Non. Je crois que non.
— Bien. Si vous n’avez plus besoin de moi, je me remets
en route. » Il bondit à cheval et disparut dans la neige.
Carbon se releva en massant sa mâchoire tuméfiée. Son heure
de gloire n’était pas arrivée.
Chapitre XII
Romae,
in aedibus L. Caesaris, a.d. V Id. Mart.,
hora
decimal
Rome,
demeure de Lucius César, 11 mars,
trois
heures de l’après-midi
César sortit de son bain et se soumit à un massage dans la
petite salle thermale qu’il s’était réservée chez son frère Lucius, sur
l’Aventin. Antistius était assis devant lui, un drap de lin enroulé autour des
reins, une tablette sur les genoux.
Le masseur, un Thrace de forte corpulence, le saisit par les
épaules et le tira en arrière, l’obligeant à arquer le dos. César poussa un gémissement
de douleur.
« Ah ! L’état de mon dos ne s’améliore pas. Au
contraire. Je me demande comment je pourrai monter à cheval quand je conduirai
l’armée en Orient. »
Antistius détourna les yeux de ses notes. « Tu as mené
à cheval tes dernières campagnes. Voilà pourquoi tu as mal au dos.
— En particulier la campagne d’Égypte. On raconte que
tu as chevauché dans ce pays une jument indomptable qui t’a mis à rude
épreuve ! dit le masseur avec un ricanement avant de laisser retomber le
patient sur le lit.
— Ne dis pas d’obscénités, imbécile ! répliqua
César. Contente-toi de faire ton travail, si c’est possible. »
Le Thrace recommença à lui masser les épaules et la colonne
vertébrale, en plongeant de temps en temps les doigts dans une coupelle d’huile
d’olive parfumée. La pièce était saturée de vapeur et, s’il transpirait
copieusement, Antistius continuait d’écrire sur sa tablette.
Le dictateur leva la tête. « Qu’écris-tu,
Antistius ?
— Des noms. »
D’un geste, César congédia le masseur, qui ramassa ses
instruments et se retira.
« Des noms ? De qui ?
— De mes patients, répondit le médecin non sans
hésitation. Je note leurs maladies, mes traitements, l’amélioration de leur
état de santé ou son aggravation…
— Une explication crédible. Et pourtant je sens que tu
mens. »
Antistius sursauta presque imperceptiblement mais ne
s’interrompit pas. « Tu veux lire ? »
L’homme d’État s’assit sur la couche et posa sur le médecin
ses yeux gris de faucon sans parvenir à croiser son regard. « Comme dans
une partie de dés, n’est-ce pas ? Tu m’invites à voir ton jeu. Mais, pour
cela, il faut que j’augmente la mise. Que veux-tu, Antistius, pour soulever le
gobelet ?
— Rien, César. Il ne vaut pas la peine de relancer, car
il n’y a rien d’important à voir.
— Dans ce cas, je passe… », répondit le dictateur,
qui se mit à observer une fresque rongée par l’humidité représentant Penthée
déchiqueté par les Bacchantes.
Le silence s’abattit sur la pièce. Seul le cri d’une mouette
péchant dans le fleuve le brisait.
C’est alors que Silius entra. « Les invités seront tous
présents. Et il y a un message pour toi.
— Des nouvelles de mon… bâton ? »
Silius secoua la tête pendant qu’Antistius déclarait :
« Tu as mal au dos, César, mais tu n’as pas besoin de canne. Pas encore.
Et si tu suis
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