Les derniers jours de Jules Cesar
à perdre. »
Il disparut au fond de l’allée qui menait à la campagne.
La tramontane qui avait caressé le dos gelé de l’Apennin
s’était levée, pénétrant les membres jusqu’aux os. Quoique faible, Mustela se
sentait revigoré par le repos, par les soins et la nourriture reçus, par le
fait qu’il disposait d’un véhicule où il aurait tout loisir de s’étendre et de
dormir en cas de besoin. Tandis qu’il traversait la plaine en direction du sud,
il se dit qu’il avait vécu d’autres expériences de ce genre, voire pires
encore : si tout allait bien, celle-ci serait la dernière.
À la villa, l’officier convoqua ses hommes : deux de
ses gardes du corps, issus de l’école de gladiateurs de Ravenne, deux anciens
soldats du régiment qu’il avait commandé pendant la guerre d’Afrique, ainsi
qu’un dénommé Decius Scaurus, le plus âgé de ses vétérans, qui avait servi dans
l’armée des Gaules, sous César. Il les rassembla dans le péristyle et leur
lança :
« Écoutez-moi. Votre tâche consiste à intercepter un
certain nombre d’individus qui se déplacent le long des routes reliant la
Cisalpine à Rome. Le plus dangereux possède un nom et un surnom : Publius
Sextius, dit “le Bâton”. C’est un centurion de la XII e Légion,
un salopard doté de sept vies, comme les chats. Certains d’entre vous le
connaissent-ils ? Il est assez célèbre. »
Decius Scaurus leva la main. « J’ai servi dans la XII e avant d’aller en Afrique avec toi, mon général. Je le connais.
— Bien. Dans ce cas, tu les accompagneras, dit-il en
indiquant les deux vétérans. L’informateur qui est parti il y a peu parcourra
probablement la même route, mais j’ignore s’il a des chances de réussite. Il
convient avant tout d’arrêter les messagers. Quant à vous deux, ajouta-t-il à
l’adresse des gladiateurs, vous identifierez notre homme facilement. Il mesure
cinq pieds et un pouce, a un cou de taureau, des traits taillés à la hachette.
Il est couvert de cicatrices et ne se sépare jamais de son maudit bâton de
vigne. Ne faites pas de bêtises. Si vous le rencontrez, surprenez-le de dos,
dans son sommeil. De face, vous n’auriez aucun espoir de survie. Il vous
tuerait tous autant que vous êtes.
— C’est à voir, commenta un gladiateur.
— Tais-toi, imbécile ! Fais ce que je te dis, un
point c’est tout ! Vous autres, lancez-vous sur la via Flaminia en passant
par les montagnes. Quant à toi, Decius, tu parcourras avec tes compères la via
Flaminia minor avant de poursuivre sur la via Cassia. En général, Mustela agit
seul, mais si vous le rejoignez et qu’il vous demande de le suivre,
obéissez-lui. Il vous faut intercepter des membres du service de
renseignements. L’un d’eux est une sorte d’énergumène aux mains comme des
pattes d’ours, dont les sourcils se rejoignent au-dessus du nez. Les
précautions dont je vous ai parlé valent également pour lui. C’est un dur, sans
doute un officier. Je veux qu’il meure avant même de pouvoir faire un
mouvement. Un élément vous permettra de reconnaître les messagers : ils
sont tous très pressés, prennent leurs repas sans s’asseoir, ne s’arrêtent pas
pour la nuit, dorment peut-être debout comme les chevaux, une heure, pas plus.
Ils veulent atteindre Rome à tout prix. Si vous menez à bien cette mission, vous
ne le regretterez pas. Votre récompense sera bien supérieure à la valeur de vos
misérables vies. Dépêchez-vous maintenant. »
Les hommes se hâtèrent de préparer chevaux et provisions.
Decius et les deux vétérans partirent les premiers. Ils s’engagèrent dans l’allée
et tournèrent à gauche, disparaissant dans un nuage de poussière.
Les autres se dirigèrent de l’autre côté. Le maître de
maison les regarda s’éloigner sur le seuil. D’un geste, il ordonna ensuite à
ses domestiques de fermer la porte et regagna son cabinet.
Il se nommait Sergius Quintilianus, il s’était battu contre
César à Pharsale, où il avait perdu un fils au combat. Il avait suivi Pompée en
Égypte. Il se trouvait sur son bateau lorsque Pompée avait décidé d’aller à
terre à bord d’une chaloupe et de rencontrer le roi Ptolémée dont il espérait
l’aide. Il avait donc assisté, impuissant, à son meurtre. Il avait vu le chef
de l’armée de Ptolémée, Achillas, dégainer son épée au moment où Pompée
quittait la chaloupe et la plonger dans son côté. Une scène
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