Les derniers jours de Jules Cesar
hiver. Or il s’immobilisa bientôt, incapable
d’avancer. Il s’assit sur les marches qui donnaient sur la voie Sacrée. C’est
de là qu’il vit deux silhouettes sortir de la maison des Vestales, sur sa
droite. Il les connaissait bien, c’étaient celles de Marc Antoine et de
Calpurnius Piso, le beau-père de César. Que faisaient-ils à pareille heure à
cet endroit ?
Ils stationnèrent un moment devant l’entrée. Bientôt, un
esclave se présenta avec un âne tirant une charrette sur laquelle trônait un
coffre. Ils se remirent alors en route et disparurent dans le noir.
Antistius, qui avait assisté à la scène aux côtés de Silius,
expliqua : « Ils sont allés chercher le testament de César, conservé
chez la grande vestale. Pison est son exécuteur testamentaire.
— Et Antoine ? En quoi cela le
concerne-t-il ?
— Ce n’est pas l’héritage matériel qui intéresse
Antoine, mais l’héritage politique. Brutus et Cassius se sont trompés. César a
prouvé qu’un seul homme peut dominer le monde. Personne n’avait jamais montré
les caractéristiques d’un pouvoir aussi illimité. D’autres voudront ce qu’il a
eu. Nombreux sont ceux qui tenteront de lui succéder. La république est morte,
de toute façon. »
Romae,
in aedibus Antonii, Id. Mart., secunda vigilia
Rome,
demeure d’Antoine, 15 mars, second tour de garde,
neuf
heures du soir
Comme convenu, Antoine reçut Cassius, tandis que ses fils
étaient tenus en otages au Capitole. Au même moment, Brutus dînait sur l’île
Tibérine, dans le quartier général de Marcus Aemilius Lepidus. Tout avait été
préparé dans les moindres détails.
Cassius, le vainqueur, était plus pâle que de coutume. Son
visage émacié trahissait des nuits blanches et de sombres pensées.
Les deux hommes étaient allongés, face à face, dans le triclinium, séparés par deux tables dressées de manière austère : pain, œufs,
fromages et légumes secs. Antoine avait choisi un vin dense à la couleur
sanguine, il le versait lui-même à son invité avec un plaisir certain, sans en
faire tomber une goutte.
Il commença : « César a été trop audacieux, et il
a été puni. Je… comprends le sens de votre geste. Vous n’avez pas voulu frapper
l’ami, le bienfaiteur, l’homme qui vous a sauvé la vie par magnanimité, mais le
tyran, l’homme qui a transgressé la loi, qui a réduit la république à l’état
d’un fantôme sans corps. Je vous comprends donc et je reconnais en vous des
hommes d’honneur. »
Cassius hocha gravement la tête et esquissa un sourire
énigmatique. Antoine poursuivit : « Mais je suis, pour ma part,
incapable de séparer l’ami du tyran. Je suis un homme simple et vous devez
tenter de me comprendre. César reste pour moi, avant tout, un ami. Ou plutôt,
maintenant qu’il est mort, qu’il gît, froid et blanc comme le marbre de son
sarcophage, seulement un ami.
— Chacun est ce qu’il est, affirma Cassius d’un ton
glacial. Continue.
— Le sénat se réunira demain au temple de Tellus. La
curie de Pompée est encore… en désordre.
— Continue, répéta Cassius qui maîtrisait son
irritation.
— La situation doit retourner à la normale. Je
proposerai une amnistie et vous vous verrez attribuer des charges de
gouvernement dans les provinces. Si le sénat estime bon de vous rendre honneur,
il sera libre de le faire. Qu’en penses-tu ?
— Ce sont des propositions judicieuses.
— Je n’ai qu’une seule exigence, en ce qui me
concerne. »
Cassius posa sur lui un regard lourd de soupçons.
« Laissez-moi célébrer ses funérailles. Laissez-moi
l’enterrer honorablement. Il a commis une erreur, c’est vrai, mais il a étendu démesurément
la domination du peuple romain, il a déplacé les frontières de Rome jusqu’aux
rives de l’océan et il était le grand pontife. De plus… il aimait Brutus. Il
est mort. Suffit. Livrons-le au repos. La punition a été adaptée à son
erreur. »
Antoine dévisagea Cassius, qui se mordait la lèvre
inférieure.
« Te l’accorder n’est pas en mon pouvoir, finit-il par
dire.
— Je le sais, mais tu peux persuader les tiens, et je
suis certain que tu feras tout ton possible. Moi, j’ai fait mon devoir, j’ai
donné des preuves de ma bonne foi. Agissez donc en conséquence. Je ne demande
rien d’autre. »
Cassius se leva et tourna les talons après avoir salué son
hôte d’un signe de la tête. Les plats
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