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Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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toge était ensanglantée et une flaque vermillon s’élargissait
sur le sol. Les conjurés le traquaient comme une bête piégée, frappant d’autant
plus durement qu’il n’avait aucun moyen de se défendre.
    Marcus Junius Brutus porta le dernier coup.
    À l’aine.
    César murmura quelques mots, les yeux rivés sur les siens.
    Il tira sa toge sur sa tête comme un suaire en une ultime
tentative pour sauver sa dignité et s’écroula aux pieds de la statue de Pompée.
    Les conjurés brandirent leurs poignards ensanglantés en
criant : « Le tyran est mort ! Vous êtes libres ! »
    Mais les sénateurs abandonnaient précipitamment leurs sièges
et se dispersaient à l’extérieur.
    Ceux qui étaient restés suivirent Cassius et Brutus, et
traversèrent la ville jusqu’au Capitole. Ils lançaient aux passants
effrayés : « Vous êtes libres ! Romains, vous êtes libres ! »
Or, personne n’osait s’unir à eux. Les habitants se barricadaient dans leurs
maisons, les marchands fermaient leurs boutiques, la terreur et la crainte se
répandaient partout.
    Seul un vieux mendiant à la peau rougie par la gale daigna
leur accorder un coup d’œil. Pour lui, cet épisode ne changeait rien.
     
     
    Romae,
in Curia Pompeii, Id. Mart., hora quinta
    Rome,
curie de Pompée, 15 mars, dix heures du matin
     
    Publius Sextius arriva au galop et sauta à terre devant les
marches de la curie tachées de sang.
    Il gravit l’escalier en proie à un désespoir infini.
    Ses efforts avaient été inutiles.
    Une terrible scène s’offrit à lui : le corps mutilé de
César, sa toge ensanglantée, l’expression impassible de la statue de Pompée.
    Le silence. Sanglant, lui aussi.
    De derrière le piédestal surgit Antistius, les yeux remplis
de terreur et de larmes. « Aide-moi », lui dit-il.
    Quatre domestiques entrèrent, munis de la civière pliante
dont ils ne se séparaient jamais, selon les ordres du médecin. Ils la
déposèrent au sol.
    Le centurion saisit le corps par les épaules et l’allongea
sur la civière, tandis qu’Antistius le soulevait par les pieds. Ils le
recouvrirent du mieux qu’ils purent avec la toge maculée de sang.
    Chargés de la dépouille, les quatre domestiques gagnèrent la
sortie.
    Publius Sextius dégaina son épée et la brandit vers le
plafond, raidi dans le dernier salut à son chef qui quittait la salle. Au même
instant, le bras de César glissa de la civière, animé par le mouvement des
porteurs. Ce fut la dernière image qui se grava dans l’esprit de Publius
Sextius dit « le Bâton » : le bras qui avait dompté les Celtes
et les Germains, les Hispaniques, les habitants du Pont, les Africains et les
Égyptiens pendait dans le vide, appendice inerte d’un corps sans vie.
     
     
    Viae
Cassiae, ad VIII lapidem, Id. Mart., hora decima
    Huitième
mille de la via Cassia, 15 mars,
    trois
heures de l’après-midi
     
    Rufus atteignit à toute allure le poste du huitième mille,
destination tant désirée, poussant son cheval jusqu’à ses limites. Il bondit à
terre et passa entre deux sentinelles, son insigne de speculator bien en
vue.
    « Où est l’officier qui commande le poste ?
interrogea-t-il en s’approchant du corps de garde.
    — À l’intérieur », répondit une des sentinelles.
    Il entra et se présenta à un jeune décurion. « Message
du service de la République. Priorité absolue et extrême urgence… »
    Le décurion se leva.
    « … le message est le suivant : “L’aigle est en
danger.” »
    Le jeune officier lui lança un regard sombre.
    « L’aigle est mort », répondit-il.

 
Chapitre XX
    Romae,
in insula Tiberis, Id. Mart., hora undecima
    Rome,
île Tibérine, 15 mars, quatre heures de l’après-midi
     
    Barricadé dans le quartier général, Lépide tenait conseil
avec son état-major quand fut annoncé Marc Antoine.
    Le consul en charge se présenta sale et en nage, vêtu comme
un miséreux.
    « Nous savons tout, dit Lépide. J’espérais en ta venue.
Où étais-tu ?
    — Je me cachais. J’ai vu ce qui s’est passé après. Ces
fous croyaient que le peuple accourrait au cri de “Liberté !” et qu’il les
porterait en triomphe. Mais ils ont failli être lynchés au Forum quand l’un
d’eux s’est hasardé à critiquer César. Ils ont dû regagner précipitamment le
Capitole et, que je sache, ils y sont encore, assiégés par la foule furibonde.
Une chose est certaine : ils n’ont pas de plan. Ils ne

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