Les derniers jours de Jules Cesar
produit à
la curie de Pompée a été un acte de justice. Les amis de César le pleurent et
vivent un jour de deuil amer, mais ils sont prêts à étouffer leurs sentiments
pour éviter d’alimenter des haines et des vengeances sans fin. Je voudrais ici
souligner le courage et la générosité du consul Marc Antoine, lequel,
bouleversé par la mort d’un ami qu’il aimait profondément, n’a pas hésité à
renoncer à la vengeance, à donner en otage ses propres fils afin que cessent les
luttes et les affrontements, qu’on ne verse plus de sang romain, que le péril
d’une nouvelle et désastreuse guerre civile soit conjuré. Je demande qu’on lui
décrète un éloge solennel afin qu’il exprime sa pensée entre ces murs
sacrés. »
La proposition de Plancus fut votée avec une large majorité,
les sénateurs étant tous terrifiés par l’éventualité d’une nouvelle guerre
civile. Antoine se plaça au centre de l’assemblée et commença :
« Pères conscrits ! Je vous remercie d’avoir
reconnu mes efforts et mon application. J’ai voté moi-même en faveur de vos
demandes et de l’amnistie pour Brutus, Cassius, Trebonius et leurs compagnons.
Mais je ne peux accepter que César soit enseveli de nuit et en cachette comme
un malfaiteur. S’il a commis des erreurs, ce fut en partie parce qu’il y a été
contraint. Plus d’une fois il a tenté d’instaurer le dialogue, la négociation,
et il s’est démené afin que le sang romain ne soit pas versé. »
Un murmure d’indignation s’éleva du groupe des partisans de
Brutus, Cassius et Cicéron. Antoine aborda donc un autre sujet :
« Si vous refusez de le croire, comment pouvez-vous
croire à ses exploits ? Il a déplacé les frontières de l’empire jusqu’aux
vagues de l’océan qui délimite la Terre, il a dompté les Celtes et les
Germains, a planté les aigles dans la terre de la lointaine Bretagne, qu’aucun
Romain n’avait encore foulée. Il a vaincu à Pharnace et a ajouté à notre
domination le royaume du Pont. Il a fait approuver de nombreuses lois d’aide et
de soutien au peuple, a enrichi le trésor public par d’énormes butins ravis sur
les terres conquises, a promulgué des lois défendant les provinciaux et
punissant les gouverneurs incapables ou corrompus. Pensez-vous que la tombe de
l’auteur d’exploits aussi grandioses doive être un lieu caché et obscur, que
ses funérailles doivent être secrètes ?
« Non, pères conscrits ! Vous devez l’autoriser,
permettez-moi de célébrer ses funérailles et de lire en public son testament.
Cela nous aidera au moins à comprendre si nous avons bien agi ou si les
honneurs que je veux lui attribuer sont immérités. »
À ces mots, Cicéron se pencha vers Cassius. « Qu’est-ce
que je vous avais dit ? Si vous lui permettez de célébrer ses funérailles
et de lire son testament, votre action aura été inutile. Il faut absolument
l’en empêcher ! »
Mais Brutus répondit, enflammé, tandis qu’Antoine
poursuivait : « Non, Marcus Tullius. Antoine a toujours agi en homme
de parole. Il nous a livré ses fils en otage, nous a libérés du siège du peuple
au Capitole et a fait voter l’amnistie. Nous sommes des hommes d’honneur, nous
devons nous conduire comme tels. Antoine est courageux, n’en faisons pas notre
ennemi. Nous le persuaderons de s’unir à nous pour restaurer l’autorité de la
république et la liberté des Romains. S’il avait de mauvaises intentions, il
aurait déjà déchaîné sa légion cantonnée hors les murs. Il lui aurait été
facile de nous balayer en l’espace de quelques heures. Il s’en est abstenu. Il
nous demande juste l’autorisation de célébrer des funérailles, et nous devons
la lui accorder. »
Brutus fut inébranlable, et comme son vote entraînerait
celui de ses complices, Cicéron, furieux, siffla à son oreille : « Tu
verras s’il s’agira seulement d’un enterrement ! »
La proposition fut approuvée.
La séance fut levée.
Romae,
a.d. XVII Kal. Apr.-a.d. XIII Kal. Apr.
Rome,
16-20 mars
Antoine fit transporter au Champ de Mars le corps de César,
qui fut déposé dans un sarcophage en ivoire couvert de draps de pourpre et
d’or, près de la tombe de sa fille Julia, qu’il avait eue de sa deuxième épouse,
Cornelia. Il ordonna qu’on bâtisse derrière un édicule en bois doré
reproduisant le temple de Vénus Génitrix et qu’on expose à l’intérieur la
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