Les Derniers Jours de Pompéi
flatteurs, se hâta de reprendre Fulvia, afin de s’approprier le compliment.
– Par cette chaîne que j’ai reçue de la main de l’empereur lui-même, répliqua le guerrier, en jouant avec une petite chaîne qui entourait son cou comme un collier, tandis que celles que portaient les personnes pacifiques descendaient sur la poitrine ; par cette chaîne, vous me faites tort. Je suis franc, comme un soldat doit l’être.
– Comment trouvez-vous les dames de Pompéi en général ? demanda Julia.
– Par Vénus, excessivement belles ! Elles me favorisent un peu, c’est vrai ; et peut-être leurs bontés doublent-elles leurs charmes à mes yeux.
– Nous aimons les guerriers, dit la femme de Pansa.
– Je le vois bien, par Hercule ! il est même désagréable d’être trop célèbre dans ces villes-ci. À Herculanum, on monte sur le toit de mon atrium pour tâcher de m’apercevoir dans le compluvium. L’admiration des citoyens est agréable d’abord, puis elle finit par être fort ennuyeuse.
– C’est bien vrai, ô Vespius ! s’écria le poète, se joignant au groupe. Je l’ai éprouvé moi-même.
– Vous ! dit le formidable guerrier, en regardant avec un indicible mépris la petite taille du poète : dans quelle légion avez-vous servi ?
– Vous pouvez voir mes trophées… mes exuvix dans le forum lui-même, répondit le poète en jetant un regard significatif aux femmes. J’ai été au nombre des camarades de tente, des contubernales du grand Mantuan lui-même.
– Je ne connais aucun général de Mantoue, dit le guerrier gravement… Quelle campagne avez-vous faite ?
– Celle de l’Hélicon.
– Je n’en ai jamais entendu parler.
– Ce n’est pas étonnant, Vespius, il plaisante.
– Il plaisante ! Par Mars ! suis-je un homme avec lequel on plaisante ?
– Mais lui-même était amoureux de la mère des ris, dit le poète un peu alarmé ; sache donc, ô Vespius, que je suis le poète Fulvius. C’est moi qui rends les guerriers immortels.
– Que les dieux nous en préservent ! dit tout bas Salluste à Julia. Si Vespius devenait immortel, quel modèle de soldat fanfaron serait livré à la postérité ! »
Le soldat paraissait quelque peu embarrassé, lorsque, à sa grande satisfaction non moins qu’à celle des autres assistants, le signal du banquet fut donné.
Nous avons déjà vu chez Glaucus comment se donnait un grand repas à Pompéi ; nous épargnerons au lecteur la répétition du détail des services et de la façon dont on les introduisit.
Diomède, qui était assez cérémonieux, avait chargé un nomenclator d’indiquer sa place à chaque convive.
Le lecteur saura qu’il y avait trois tables, une au centre, et une à chaque aile. C’était seulement du côté extérieur que les lits étaient dressés pour les convives ; l’espace intérieur était laissé libre, pour la plus grande commodité des esclaves chargés du service. À l’un des coins de l’aile était placée Julia, comme reine de la fête ; à l’autre, près d’elle, Diomède. À chaque extrémité de la table du centre, aux places d’honneur, on voyait l’édile et le sénateur romain. Les autres convives étaient rangés ainsi : les plus jeunes (hommes et femmes), auprès les uns des autres ; et les personnes âgées, assorties de la même façon : disposition assez agréable, et qui n’avait que l’inconvénient d’afficher quelques personnes qui auraient voulu passer pour plus jeunes que leur âge {65} . Le fauteuil d’Ione était près du lit de Glaucus. Les sièges étaient incrustés d’écailles de tortue, et rembourrés de coussins en plume ornés de riches broderies. Des images des dieux, en bronze, en argent, en ivoire, décoraient les plateaux, comme le font nos modernes surtouts. On pense bien que la salière sacrée et les lares familiers n’étaient pas oubliés. Un dais magnifique s’étendait au-dessus de la table et des sièges. À chaque coin de la table s’élevaient de hauts candélabres : car, quoiqu’il fit grand jour, la chambre avait été plongée dans les ténèbres. Des trépieds placés de divers côtés distillaient des parfums de myrrhe et d’encens ; et sur l’abacus ou buffet, étaient rangés de grands vases et autres ornements d’argent, avec la même ostentation (mais avec plus de goût) que dans nos fêtes modernes.
On faisait des libations aux dieux en commençant le repas, de même que nous faisons des actions de
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